TOUT S'EST BIEN PASSÉ

Le droit à mourir dans la dignité

Diminué par un AVC, André (André Dussollier) demande à sa fille aînée Emmanuelle (Sophie Marceau) de l'aider à mourir (©Carole Bethuel/Mandarin Production/Foz).
Diminué par un AVC, André (André Dussollier) demande à sa fille aînée Emmanuelle (Sophie Marceau) de l'aider à mourir (©Carole Bethuel/Mandarin Production/Foz).

Et si aider un être cher à en finir avec la vie était une ultime preuve d'amour? C'est le droit à mourir dans la dignité –en d'autres termes, le suicide médicalement assisté– qu'évoque le réalisateur François Ozon dans son dernier film, TOUT S'EST BIEN PASSÉ, sur les écrans ce mercredi 22 septembre.

Cela commence par un coup de fil que reçoit Emmanuelle (Sophie Marceau) de la part de sa sœur Pascale (Géraldine Pailhas), qui lui annonce que leur père André (André Dussollier) vient d'être hospitalisé après un AVC. Emmanuelle se rend à l'hôpital mais reste optimiste: "Mon père est solide, il s'est toujours remis de tout", dit-elle aux médecins.

Cloué au lit puis dans un fauteuil

Cette fois-ci, cependant, c'est plus grave: diminué et dépendant, le visage déformé, articulant avec difficulté, cloué au lit puis dans un fauteuil, André ne peut plus vivre normalement. Les deux filles et leur mère (Charlotte Rampling) font les démarches nécessaires pour la suite (procuration, testament, formalités chez le notaire, etc.) en attendant que le vieil homme, âgé de 84 ans, ex-industriel riche et collectionneur d'art, aille mieux.

Il va mieux, petit à petit, lentement, et est transféré dans un autre hôpital. C'est là qu'il demande à Emmanuelle, lors d'une de ses visites, à trois reprises: "Je veux que tu m'aides à en finir". Choquée, elle sort de la chambre…

Adaptation du livre d'Emmanuelle Bernheim

Le film est l'adaptation du livre éponyme (2013, Ed. Gallimard) d'Emmanuelle Bernheim, dont le père avait fait la même demande d'euthanasie après un AVC. L'écrivaine, décédée en 2017, était une amie de François Ozon, coscénariste notamment de quatre de ses films entre 2000 et 2009.

Le réalisateur a adapté assez fidèlement le livre, ne rajoutant qu'un personnage qui n'y figure pas: la femme d'André, sculptrice, dépressive et atteinte de la maladie de Parkinson, interprétée par Charlotte Rampling, un rôle qui alourdit le film un peu inutilement.

Ni sentimentalisme ni militantisme

Pour le reste, François Ozon évite à la fois le sentimentalisme excessif et le militantisme pesant sur ce sujet de société délicat. Il le fait avec une réalisation sobre, décrivant un quotidien simple et sans éclats, avec aussi des moments d'humour (un peu forcé), un soupçon de mystère avec un personnage trouble, et un semblant de faux suspense à la fin.

Le réalisateur, qui dénonçait le scandale des prêtres pédophiles en France dans son avant-dernier film GRÂCE À DIEU en 2019, soulève ici la question du suicide médicalement assisté, officiellement interdit en France (les deux filles doivent aider leur père à aller mourir en Suisse). Ce n'est certes pas la première fois que le sujet est évoqué, les films sur la fin de vie sont fréquents ces temps-ci (FALLING, THE FATHER) et le droit à mourir dans la dignité revient régulièrement dans l'actualité, comme le poignant témoignage de Nicolas Bedos sur son père, il y a quelques mois.

Responsabilité et culpabilité

"En racontant cette histoire, j'ai ressenti la violence qu'a dû vivre Emmanuelle, confrontée à une société qui ne permet pas d'organiser notre volonté de mourir de manière légale et encadrée", explique François Ozon. "Car, à mon sens, ce n'est pas aux enfants ou aux proches de porter cette responsabilité, avec toute la culpabilité que cela induit".

Mais, au-delà du sujet délicat de la mort choisie, le réalisateur décrit surtout des relations filiales compliquées. "Évidemment, chacun est renvoyé à des questions personnelles sur son rapport à la mort, mais c'est vraiment le lien entre un père et ses filles qui m'intéressait avant tout", dit-il.

André Dussollier cabotine

Il a ainsi choisi de parsemer le film de flash-back, avec souvenirs familiaux parfois douloureux qui remontent à la surface. André n'a jamais été tendre avec sa famille et ses proches, et notamment ses filles. Mais, à 84 ans, il a le courage immense de choisir de mourir plutôt que –autre forme de courage– de vivre diminué.

Dans ce rôle évidemment très fort, œil tombant et bouche déformée, André Dussollier (actuellement à l'affiche de BOÎTE NOIRE) cabotine un peu mais c'est le personnage qui veut cela, souvent odieux, agaçant, tyrannique et égoïste, pas très sympathique.

Magistrale Sophie Marceau

Le personnage d'Emmanuelle est davantage équilibré et attachant. "C'est un mauvais père, mais je l'aime. Je l'aime beaucoup. J'aurais adoré l'avoir pour ami", dit-elle, magistralement interprétée par Sophie Marceau.

À 54 ans, l'actrice fait son grand retour sur les écrans après une absence de trois ans. Elle est toujours aussi impressionnante, superbe de justesse, tout en finesse et en nuances, passant du chagrin à la joie de vivre, du Prozac à la salle de gym, de la rudesse de son père à l'amour de son mari. C'est la Sophie Marceau que l'on aime, au cinéma, actrice préférée des Français –bien davantage que la Sophie Marceau qui faisait, sur les réseaux sociaux, la promotion des pires thèses complotistes en novembre 2020 en plein cœur de la crise du Covid-19.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Vivre, ce n'est pas survivre" (André Dussollier).

 

Tout s’est bien passÉ

(France, 1h53)

Réalisation: François Ozon

Avec Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas

(Sortie le 22 septembre 2021)


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