BOÎTE NOIRE

Thriller aéronautique et acoustique

Mathieu Vasseur (Pierre Niney), jeune inspecteur du BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile), est chargé d'une enquête difficile sur un crash aérien (©Thibault Grabherr/Wy Productions/24-25 Films).
Mathieu Vasseur (Pierre Niney), jeune inspecteur du BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile), est chargé d'une enquête difficile sur un crash aérien (©Thibault Grabherr/Wy Productions/24-25 Films).

Pas sûr qu'on vous propose ce film quand vous prendrez l'avion dans les prochains mois. BOÎTE NOIRE, sur les écrans français à partir du mercredi 8 septembre, est un thriller avec comme toile de fond l'enquête, pleine de rebondissements, sur un crash aérien entouré de mystère.

La première scène, un long et remarquable plan-séquence en traveling arrière à bord d'un avion, est impressionnante, angoissante: la caméra recule, du cockpit à la boîte noire dans les entrailles de l'appareil en passant par la cabine avec hôtesses et passagers. Il y a ensuite des turbulences. De l'affolement. Puis le crash.

Enquête du BEA

Que s’est-il passé à bord de ce vol Dubaï-Paris avant que l'avion, un Atrian-800 avec 300 passagers et 16 membres d'équipage à bord, ne s'écrase dans les Alpes françaises? Technicien au BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile), Mathieu Vasseur (Pierre Niney) est d'abord écarté de l'enquête mais, après plusieurs jours d'absence inexpliquée de son supérieur, est finalement chargé du dossier par le directeur du BEA (André Dussollier).

Assailli de doutes

Après ouverture et examen de la boîte noire, il doit déterminer les causes de l'accident: erreur de pilotage, défaillance technique, acte terroriste? Après les premières conclusions –la présence d'un terroriste égyptien à bord, qui aurait pénétré dans le cockpit–, il est assailli de doutes.

Il continue son enquête et, spécialiste de l'acoustique, écoute et ré-écoute inlassablement l'enregistrement sonore de la boîte noire. "Concentrez-vous sur ce qu'on entend vraiment", lui dit son directeur quand il lui fait part de ses incertitudes. Son enquête va le mener plus loin qu'il ne le pensait…

Fascination pour les boîtes noires

Le réalisateur Yann Gozlan, 44 ans, dont c'est le quatrième film après CAPTIFS (2010), UN HOMME IDÉAL (2015, avec déjà Pierre Niney) et BURN OUT (2017), tous des thrillers, avoue une fascination pour l'aviation civile et notamment les boîtes noires, sur lesquelles il est intarissable: "Souvent placées à l’arrière de l’avion (partie généralement la mieux conservée lors d’un impact avec le sol), il en existe deux types: le FDR (Flight Data Recorder), qui comptabilise les paramètres techniques du vol, et le CVR (Cockpit Voice Recorder), qui enregistre tous les bruits et échanges des pilotes dans le cockpit".

"Les premiers enregistreurs de vol datent des années 30", poursuit-il. "À l’époque, ils contenaient une pellicule photographique sur laquelle les indications des instruments de vol étaient projetées. Cette pellicule photosensible était enfermée dans une chambre noire, appelée «boîte noire», car elle était étanche à la lumière. Ce nom est resté alors que les enregistreurs de vol aujourd’hui sont de couleur orange avec des bandes blanches réfléchissantes, pour faciliter leur repérage parmi les débris".

Film crédible

Il s'est donc documenté pour rendre son film crédible, obtenant notamment la collaboration du BEA. Mais le scénario entraîne le spectateur dans des pistes bien éloignées de la boîte noire et de l'enquête technique de l'acousticien Mathieu. Car celui-ci est en couple avec Noémie (Lou de Laâge), ingénieure qui elle aussi a des responsabilités dans le milieu de l'aviation civile: elle a un poste important dans l'agence de certification des avions, et est courtisée par l'avionneur Atrian qui a fabriqué l'appareil qui s'est crashé.

Leur couple va donc être ébranlé par ce conflit d'intérêts. En outre Mathieu, personnage fragile, peu sociable et renfermé, souffrant d’acouphènes et d’hyperacousie, va vite être accusé de théories complotistes dans son enquête –reproche que l'on peut faire au scénario, globalement. Une enquête qui va l'amener notamment à de rocambolesques rebondissements dignes d'un film policier, avec disparition mystérieuse de son ex-supérieur, messages téléphoniques, voyages nocturnes en voiture, visite d'une cave dans une maison de campagne isolée avec étang, trahisons d'anciens collègues et amis, piratage informatique, soutien journalistique hésitant, etc.

Suspense intense

Ces pistes flirtent avec l'invraisemblance mais permettent au film d'être très prenant, remarquablement construit, au suspense intense. C'est un excellent thriller aéronautique, parmi tant d'autres. Mais aussi un thriller acoustique, dans lequel le personnage principal est à l'écoute de bruits et de conversations parfois peu audibles, comme CONVERSATION SECRÈTE de Francis Ford Coppola (Palme d'or à Cannes en 1974), BLOW OUT de Brian De Palma (1981), le film allemand LA VIE DES AUTRES (2006), ou beaucoup de films de sous-marins comme le récent LE CHANT DU LOUP du Français Antonin Baudry (2019).

Le spectateur est invité à prendre le parti du personnage principal, qui ne recherche pas tant les causes de l'accident que la manière dont elles sont cachées, falsifiées, modifiées. Dans ce rôle d'acousticien à la limite de l'autisme, Pierre Niney, 32 ans, à la carrière déjà très riche (César 2015 du meilleur acteur pour YVES SAINT LAURENT, FRANTZ, LA PROMESSE DE L'AUBE, et récemment OSS 117: Alerte rouge en Afrique noire), est très convaincant.

Crypto-complotiste

En revanche le propos parallèle du réalisateur, très politiquement correct et là aussi crypto-complotiste, emporte moins l'adhésion: les vilains constructeurs et méchantes compagnies aériennes qui font tout pour remplacer les hommes (notamment les pilotes) par des machines pour gagner plus d'argent sont ici vertement dénoncés. "Mon ambition était d’évoquer les nouvelles problématiques qui sont sur le point de bouleverser l’aviation civile: à savoir l’assistance au pilotage généralisée et l’automatisation progressive des cockpits grâce à l’intelligence artificielle", explique Yann Gozlan.

Et de conclure, un rien pompeux: "Cette question des dangers de l’extrême sophistication des avions me passionne car elle dépasse selon moi le cadre stricto sensu de l’aéronautique et renvoie à une problématique universelle et plus que jamais d’actualité: le conflit entre l’homme et la machine ainsi que l’emprise de la technologie sur nos vies…"

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"J'ai des doutes sur le crash. Y'a un problème avec la boîte noire" (Pierre Niney).

 

BoÎte noire

(France, 2h09)

Réalisation: Yann Gozlan

Avec Pierre Niney, Lou de Laâge, André Dussollier

(Sortie le 8 septembre 2021)


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