LE FILM DE LA SEMAINE


MONSIEUR AZNAVOUR

Le grand Charles (le grand Tahar)

Tahar Rahim est étonnant dans le rôle de Charles Aznavour (©Antoine Agoudjian).
Tahar Rahim est étonnant dans le rôle de Charles Aznavour (©Antoine Agoudjian).

C'est un temps que les moins de 20 ans (ou de 30, ou de 40) ne peuvent pas bien connaître. C'est la vie de Charles Aznavour, que raconte, six ans après sa mort, le biopic qui lui est consacré (ce mercredi 23 octobre sur les écrans): MONSIEUR AZNAVOUR, avec en haut de l'affiche Tahar Rahim, qui réalise une performance d'acteur bluffante.

"Dans le «Monsieur» de notre titre, que nous souhaitions sobre, on entend la grandeur de ce personnage. Car, oui, Charles Aznavour était un grand monsieur. Auteur, compositeur, interprète, à la carrière internationale et durable, il est peut-être le plus grand monstre sacré de la chanson française", dit le chanteur Grand Corps Malade, qui a co-réalisé le film avec Mehdi Idir.

Troisième film

C'est leur troisième film ensemble, après PATIENTS (2017) et LA VIE SCOLAIRE (2019). Le projet avait été lancé du vivant d'Aznavour, qui avait donné son accord pour ce biopic. "Il se trouve qu’il est décédé le jour où nous avions tous rendez-vous pour lancer la production de Monsieur Aznavour. Nous avons mis le projet entre parenthèses, réalisé La Vie scolaire, avant d’y revenir", raconte Mehdi Idir.

Le film, dans un ordre chronologique, est présenté en cinq chapitres: "1.Les deux guitares. 2.Sa jeunesse. 3.La Bohème. 4.Je m'voyais déjà. 5.Emmenez-moi". Il parle de la famille Aznavourian, réfugiés arméniens après le génocide de 1915 par les Turcs, de la naissance du petit Charles en 1924 à Paris, de ses débuts de chanteur et comédien, timides et chaotiques, à l'adolescence.

Pierre Roche et Édith Piaf

Sa carrière de chanteur ensuite, dans les années 40, avec deux personnages importants: le chanteur, pianiste et compositeur Pierre Roche (Bastien Bouillon), de cinq ans son aîné, avec qui il formera un duo; et surtout Édith Piaf (Marie-Julie Baup), qui lancera vraiment sa carrière et que tous deux iront rejoindre à New York avant d'aller à Montréal. Pierre Roche (décédé en 2001 à 81 ans) fera ensuite carrière au Québec, quand Aznavour volera de ses propres ailes.

De ses propres ailes mais avec des débuts difficiles avant, des années plus tard, la gloire, les succès, la richesse, l'Olympia, le Carnegie Hall à New York, le même cachet que Frank Sinatra, ses 1.200 chansons écrites souvent dans un petit carnet rouge et interprétées dans le monde entier et dans toutes les langues. Jusqu'à son décès le 1er octobre 2018 à 94 ans.

Trenet, Bécaud, Hallyday

Outre Piaf, on voit défiler dans le film Charles Trenet, Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday, Frank Sinatra entre autres. On fait une brève allusion à sa cinquantaine de rôles au cinéma avec TIREZ SUR LE PIANISTE (1960) de François Truffaut, seule évocation de sa carrière d'acteur. Et le film parle aussi un peu de deux de ses trois épouses: la première, Micheline (avec qui il a eu une fille), et la dernière, la Suédoise Ulla (avec qui il a eu une fille et deux fils).

Ce MONSIEUR AZNAVOUR, sobre, est bien documenté. "Nous avons eu la chance d’avoir accès à ses archives et de pouvoir discuter avec ses proches et ses collaborateurs, qui nous ont tous fait confiance", explique Grand Corps Malade.

Deux atouts de poids

Sage, conventionnel, hagiographique, sans éclat particulier, le film ne ressort pas particulièrement des biopics traditionnels de chanteurs ou acteurs réalisés depuis des années. Mais il a deux atouts de poids: les chansons d'Aznavour et l'interprétation de Tahar Rahim.

"Pour les chansons, nous voulions qu’on puisse entendre ses classiques, mais aussi des titres moins connus", poursuit Grand Corps Malade. Mais les fans du chanteur –et tous les spectateurs en général– réentendront avec plaisir les Je m'voyais déjà, Emmenez-moi, La bohème, For Me Formidable, Le Temps, Comme ils disent, Hier encore.

Cours de chant

Ils seront d'autant plus admiratifs que c'est Tahar Rahim lui-même qui interprète les chansons. Il a beaucoup travaillé pour cela, prenant des cours de chant "entre six et huit heures par semaine pendant six mois, puis, pendant le tournage, je continuais à prendre des cours le soir", dit-il.

À 43 ans, c'est le rôle le plus impressionnant de l'acteur, double César (meilleur acteur, meilleur espoir) en 2010 pour UN PROPHÈTE de Jacques Audiard. Ici il a utilisé des micro-prothèses au visage pour ressembler à Aznavour et a réussi à lui ressembler: sa voix, ses gestes, son allure, ses expressions –presque sa manière de penser.

Le travail

Point commun entre la légende de la chanson et l'acteur: le travail. Charles Aznavour était un monstre de perfectionnisme et Tahar Rahim explique de son côté, dans une interview récente au Parisien Week-End: "Je ne peux pas aller sur un plateau sans avoir travaillé. C'est impossible. Inimaginable. Ça fait partie des valeurs que ma famille m'a inculquées. Le travail. Le travail bien fait. Essayer de donner le meilleur de soi-même à chaque fois".

Le résultat se voit sur l'écran, avec cette performance étonnante (rendez-vous aux prochains César?) qui permet à l'acteur, fils d'immigrés algériens, de rendre un hommage appuyé au chanteur légendaire: "Aujourd'hui, plus que jamais, je trouve sublime le parcours de Charles, l'ascension de cet enfant d'immigrés, devenu le symbole de la France dans le monde. C'est une jolie manière de rappeler aux gens qui doutent ou qui ont peur que l'immigration fait aussi du bien".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"On doit écrire chaque chanson comme si ça nous était arrivé (…). Il faut être un comédien de la chanson" (Aznavour à Bécaud).

 

Monsieur Aznavour

(France, 2h13)

Réalisation: Mehdi Idir et Grand Corps Malade

Avec Tahar Rahim, Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup

(Sortie le 23 octobre 2024)


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