LE FILM DE LA SEMAINE


MON PARFAIT INCONNU

La mythomane et l'amnésique

Ebba (Camilla Godø Krohn) fait croire à un inconnu amnésique (Radoslav Vladimirov) qu'il s'appelle Julian et qu'elle est sa petite amie (©Pyramide Distribution).
Ebba (Camilla Godø Krohn) fait croire à un inconnu amnésique (Radoslav Vladimirov) qu'il s'appelle Julian et qu'elle est sa petite amie (©Pyramide Distribution).

À Oslo, une jeune fille de 18 ans mythomane rencontre un beau jeune homme qui a perdu la mémoire et lui fait croire qu'elle est sa petite amie: c'est le scénario, pas très vraisemblable mais intriguant, du film MON PARFAIT INCONNU, qui sort sur les écrans ce mercredi 24 juillet après avoir été présenté à la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes.

Ebba (Camilla Godø Krohn), solitaire, peu satisfaite de sa vie de femme de ménage dans des hôtels du port d'Oslo, s'est installée dans une grande maison des quartiers chics que ses propriétaires lui ont demandé de garder pendant leurs vacances. Un soir, en rentrant du travail, elle découvre à terre un beau jeune homme inconscient (Radoslav Vladimirov), victime d'un choc à la tête.

Quand il reprend connaissance, il a perdu la mémoire, ne sait pas qui il est et ce qu'il lui est arrivé. Ebba le ramène dans la grande villa et lui fait croire qu'elle habite là et qu'elle est sa petite amie depuis deux mois.

Recherché par la police

Il est en réalité bulgare, ils se parlent en anglais, et peu à peu elle lui invente une vie: il s'appelle Julian et est en fuite et recherché par la police, prétend-elle. Elle a pris soin de cacher ses papiers et son téléphone portable, et lui ne veut donc pas faire de recherches auprès des autorités.

Peu à peu une relation amoureuse mais méfiante se construit entre la mythomane et l'amnésique, basée sur des mensonges inventés par la première et des questions sans réponses de la part du second. Et Ebba continue d'enquêter sur la véritable identité de ce faux Julian –qui, parfois, a un souvenir qui lui revient…

Premier film

Le couple que s'invente la jeune fille solitaire avec cet inconnu obligé de se reconstruire est à la limite du crédible, volontairement ambigu, mais "il y a beaucoup de relations qui ne sont pas de l’amour véritable", explique Johanna Pyykkö, la jeune réalisatrice finno-suédoise qui vit en Norvège depuis une dizaine d'années et dont c'est le premier film.

"Dans de nombreux contextes, les êtres humains ont l’impression de vivre une histoire d’amour, mais en observant davantage, tout le monde, y compris eux-mêmes, serait d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas d’une vraie relation. Et puis il y a aussi de vraies relations amoureuses. Je voulais que la relation du film représente les deux", dit-elle.

Nouveaux destins

Le film s'installe dans une chronique sociale où l'on décrit Ebba comme une jeune fille sans amis, envieuse des classes sociales plus favorisées qu'elle, qui s'occupe de sa sœur trisomique et mène une existence sans relief et sans perspective d'avenir. Mais tout change quand elle invente de nouveaux destins, pour elle et pour un autre, en prenant possession de la prétendue vie passée du bel inconnu et en tirant les ficelles du mensonge.

Symbole de ce nouveau pouvoir de la jeune fille: des petites figurines de terre cuite, sans visage, qu'elle tient en début et en fin de film. "Que signifient-elles? Elles sont directement liées au sujet du film, qui est la possession: le pouvoir de posséder un objet comme celui-là, qui représente un corps, de l’installer dans votre maison. Vous pouvez le déplacer, vous le possédez", explique la réalisatrice.

Chronique sociale puis thriller psychologique

La chronique sociale vire peu à peu au thriller psychologique au fur et à mesure de l'histoire, du mystère et du suspense qui s'installent, de l'atmosphère qui s'alourdit peu à peu –jusqu'à une fin un peu déroutante.

Un premier film singulier, plutôt réussi et maîtrisé, et remarquablement interprété par une jeune actrice débutante qui alterne les facettes de son personnage: touchante, inquiétante, candide, manipulatrice, innocente, complexe –et tellement douée dans l'art du mensonge.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Parle-moi de moi" (Julian, à Ebba).

 

Mon parfait inconnu

("Min fantastiske fremmede") (Norvège, 1h47)

Réalisation: Johanna Pyykkö

Avec Camilla Godø Krohn, Radoslav Vladimirov, Maya Amina Moustache Thuv

(Sortie le 24 juillet 2024)


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