Re-chut!
Se battre contre un ennemi cruel et redoutable, OK. C'est déjà difficile. Mais se battre en silence, c'est encore plus dur. Et même, "le silence ne suffit pas", dit le slogan de l'affiche: le film SANS UN BRUIT-2, suite du premier épisode sorti en 2018, a perdu de son effet de surprise et de son idée de départ originale, mais le suspense et la tension sont toujours au rendez-vous. Avec le même mot d'ordre aux humains pour survivre: chut!
Des créatures extra-terrestres à l'ouïe hyper-développée ont en effet envahi la Terre, dont les habitants se cachent et font le moins de bruit possible pour leur échapper. Cette suite commence avec un retour en arrière, l'action se situant au début du premier film, au moment où les extra-terrestres attaquent la planète.
Panique, désolation, mort
Il y a des milliers de morts à Shanghai, dit-on à la télé, et dans la petite ville américaine où vit la famille Abbott, une traînée de feu dans le ciel précède l'arrivée des envahisseurs qui sèment la panique, la désolation et la mort. Evelyn Abbott (Emily Blunt), son mari Lee (John Krasinski) et leur trois enfants Regan (15 ans), Marcus (12 ans) et Beau (5 ans), échappent de peu à la mort et vont se réfugier dans leur maison isolée dans la forêt. Jour-1.
On passe vite au jour-474. On est dans la suite du premier film. Lee le père et Beau le 3e enfant sont morts, les deux aînés ont grandi, et Evelyn a accouché d'un 4e enfant. Avec son bébé et ses deux ados, elle décide de se déconfiner et d'aller voir si d'autres humains, au-delà de leur maison isolée et du "chemin de sable" sur lequel ils marchent pieds nus, ont survécu.
En terrain inconnu
C'est le cas d'un voisin, Emmett (Cillian Murphy), barbu et solitaire, qui vit retranché dans un bunker insonorisé après avoir perdu femme et enfants. Lui et la fille aînée des Abbott, Regan, sourde et muette, vont découvrir qu'il y a peut-être un moyen de s'éloigner de la menace extra-terrestre et de se rapprocher d'autres survivants –mais en s'aventurant en terrain inconnu, donc dangereux…
Amour familial, instinct de survie, solidarité face au danger, besoin –mais impossibilité– de communiquer normalement: on retrouve dans cette suite tous les éléments qui construisaient le premier film et maintenaient, à partir d'une idée originale, le spectateur dans un suspense continu.
Confinement et monde d'après
Cela fait penser, en ces temps de pandémie de Covid, aux notions de confinement (rester chez soi en silence), de prolifération du virus (ces envahisseurs qui guettent les imprudents) et de monde d'après (face au danger, dans ce monde post-apocalyptique, l’empathie et les liens entre humains ont pratiquement disparu). La dernière partie du film renforce cette impression; mais, chuuuut!, il ne faut rien en dire –et peut-être même éviter de regarder la bande-annonce, ci-dessous, qui en dit un peu trop…
On se contentera de dire que la chanson Beyond the Sea, tube de 1960 du chanteur américain Bobby Darin adapté de La Mer de Charles Trenet de 1946, a une importance capitale dans l'histoire. Et que le personnage de Regan, toujours interprété par la jeune actrice sourde-muette Millicent Simmonds, est au centre de l'action.
Effets faciles
Dans cette suite pas avare d'effets faciles qui font sursauter (les spectateurs autant que les personnages), les créatures semblent plus intelligentes, mieux organisées, plus nombreuses et plus visibles –ce qui leur fait perdre de leur charme et de leur force de suspense. Et elles aussi sont plus silencieuses. Le film fait penser à LA GUERRE DES MONDES, aux différents ALIEN et JURASSIC PARK, au SURVIVANT ou à SUR LA ROUTE, entre autres.
Le succès du premier film a bien sûr imposé cette suite. "Au départ, je n’avais pas l’intention de faire une suite; l’histoire n’a jamais été conçue pour être une franchise. Mais la force du monde que nous avions créé était telle qu’elle donnait envie de l’approfondir, pour voir ce que pourraient devenir les Abbott en tant que famille", explique le réalisateur John Krasinski, qui joue également le rôle du père.
En couple depuis 10 ans
Acteur depuis les années 2000 puis passé à la réalisation, Krasinski, 41 ans, est en couple depuis 10 ans avec Emily Blunt, 38 ans, remarquée ces dernières années dans SICARIO (de Denis Villeneuve, 2015) et dans LA FILLE DU TRAIN (de Tate Taylor, 2016). Tous deux ont eu deux filles en 2014 et 2016 et c'est juste après la naissance de la seconde que John Krasinski s’est penché pour la première fois sur le scénario de SANS UN BRUIT, en insistant sur le caractère familial de l'histoire.
Promesse faite aux enfants
Cette réflexion s'est poursuivie pour le second film, explique-t-il: "J’avais cette pensée qui me trottait dans la tête, cette promesse que l’on fait à nos enfants en tant que parents, qui consiste à leur dire: «Tant que vous êtes avec moi, je peux vous garder en sécurité». Une promesse qui est inévitablement vouée à être rompue le moment venu, lorsque nous devons laisser nos enfants quitter le foyer et avancer seuls dans le monde et dans la vie. C’est cela, grandir, et c’est la métaphore principale que je voulais explorer. Le père de cette famille n’est plus là, et ils sont arrivés au bout du filet de sécurité que constitue le chemin de sable. Alors, que se passe-t-il quand vous devez faire vos premiers pas dans le vaste inconnu?"
Il n'a pas l'intention de faire un troisième épisode, ce qui n'est pas le cas des studios Paramount qui, eux, l'ont déjà prévu. Suite, préquelle, spin-off? On ignore quelle forme prendra ce SANS UN BRUIT-3, mais on en connaît déjà le réalisateur: ce sera le talentueux Jeff Nichols, remarqué depuis une dizaine d'années pour ses films TAKE SHELTER, Mud: Sur les rives du Mississippi, MIDNIGHT SPECIAL et LOVING.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Courez!" (Emily Blunt, à ses enfants).
("A Quiet Place Part-II") (États-Unis, 1h37)
Réalisation: John Krasinski
Avec Emily Blunt, Cillian Murphy, Millicent Simmonds
(Sortie le 16 juin 2021)