MARCHE OU CRÈVE

L'amour plus fort que le handicap

Elisa (Diane Rouxel, à gauche) veut rester s'occuper de sa soeur handicapée Manon (Jeanne Cohendy) (©Nour Films).
Elisa (Diane Rouxel, à gauche) veut rester s'occuper de sa soeur handicapée Manon (Jeanne Cohendy) (©Nour Films).

Une jeune fille dont la sœur aînée est handicapée se demande si elle doit continuer de s'occuper d'elle plutôt que de prendre son envol dans la vie: le film largement autobiographique MARCHE OU CRÈVE, de la réalisatrice Margaux Bonhomme, évoque un sujet grave avec pudeur et délicatesse.

Adolescente fougueuse et passionnée, Elisa souhaite profiter de l’été dans la maison familiale du Vercors où elle a grandi avant de commencer l'année scolaire dans un lycée professionnel et de s'installer seule à Montpellier.

Elle travaille dans une pépinière et, avec son père, s'occupe de sa sœur aînée Manon, 20 ans, handicapée mentale et physique. Tous deux assument plus ou moins bien cette responsabilité: les crises de Manon, incontrôlables, faites de hurlements et de gestes violents, sont de plus en plus difficiles à supporter.

Mais Elisa et son père refusent de placer Manon dans un établissement spécialisé, contre l'avis de la mère des deux filles, qui a décidé de quitter le foyer familial. Et peu à peu Elisa prend la place de sa mère auprès de sa sœur, ce qui menace son intention de voler de ses propres ailes. Car elle ne veut pas laisser seuls son père et sa sœur…

C'est le premier long-métrage de la réalisatrice Margaux Bonhomme, 44 ans, qui a longtemps été photographe et directrice de la photo avant de passer à la réalisation. Elle a dédié ce film à sa sœur Sylvie, handicapée physique et mentale, et le film est largement autobiographique.

"Il y a beaucoup d’éléments autobiographiques dans ce projet mais je pense que les enjeux de mes personnages résonnent de manière plus universelle", dit-elle. "Le handicap exacerbe les liens affectifs et pose de manière plus générale la question du poids de ces attaches, de la culpabilité, de la jalousie, de la séparation. On ne peut pas s’empêcher d’aimer son frère ou sa soeur, mais à quel prix ? C’est la question que traverse Elisa dans le film".

Les scènes avec Manon sont fréquentes et réalistes, voire pénibles, mais le film ne tombe pas dans le mélo. Il rend hommage au dévouement des familles qui ont des personnes handicapées et qui assument avec courage et amour la tâche de s'en occuper, et il pose bien sûr la question de l'accueil des handicapés quand ceux-ci ne peuvent rester au sein de leur famille. Les personnages d'Elisa et du père, bienveillants, ne passent pas pour des héros mais font simplement ce qu'ils croient bon de faire.

Leurs deux interprètes sont remarquables. Elisa est interprétée par la jeune Diane Rouxel, remarquée en juin dernier dans le film VOLONTAIRE, dans lequel elle jouait une jeune femme qui décide de s'engager dans la Marine nationale et est formée par un commandant interprété par Lambert Wilson.

Le rôle du père est tenu par Cédric Kahn qui, depuis les années 90, alterne les activités de réalisateur, scénariste et acteur. Son dernier film comme réalisateur, LA PRIÈRE, sorti en mars dernier, racontait de manière forte et sobre l'histoire d'un jeune drogué qui trouve le salut dans une communauté religieuse isolée. Côté acteur, on l'a vu récemment dans COLD WAR mais son dernier rôle important date de l'été 2016 dans L'ÉCONOMIE DU COUPLE, où il affrontait Bérénice Bejo dans les rôles de deux parents de deux jeunes enfants qui décident de se séparer après 15 ans de vie commune.

Mais c'est bien sûr l'actrice qui joue Manon qui a le rôle le plus difficile. La réalisatrice a songé d'abord à une personne réellement handicapée, mais l'entreprise se révélait trop difficile à réaliser. Elle a donc fait appel à une comédienne professionnelle, Jeanne Cohendy, qui pendant un an et demi a travaillé sa démarche, sa posture, ses mains, son regard, sa voix, sous les conseils de psychomotriciens. Elle n'en rajoute pas et, explique la réalisatrice, "j’ai compris progressivement que Manon, c’était vraiment ma soeur, et que Jeanne, avec sa sensibilité, sa générosité, et son talent, voulait bien lui prêter sa voix et son corps".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Le futur, c'est inquiétant. Il ne faut pas penser au futur" (le père).

 

MARCHE OU CRÈVE

(France, 1h25)

Réalisation: Margaux Bonhomme

Avec Diane Rouxel, Jeanne Cohendy, Cédric Kahn

(Sortie le 5 décembre 2018)