Dans la tête de Cécile de France
Un robot, un ordinateur, une intelligence artificielle peuvent-ils avoir des émotions, une sensibilité, une personnalité? Et contrôler (ou remplacer) les humains? Depuis Hal, l'ordinateur du vaisseau de 2001: L'ODYSSÉE DE L'ESPACE jusqu'au récent ROBOT SAUVAGE en passant par les BLADE RUNNER, MATRIX, ALIEN et autres TERMINATOR, la question s'est toujours posée au cinéma (et dans la littérature). Mais aujourd'hui ce n'est plus tout à fait de la science-fiction, cela se rapproche de la réalité, comme tente de le montrer le film à suspense DALLOWAY (ce mercredi 17 septembre sur les écrans).
Car l'intelligence artificielle (IA) a envahi les conversations, les débats et la vie quotidienne depuis quelques années. C'est donc dans un avenir très proche que se situe le film: Clarissa (Cécile de France), une écrivaine en panne d'inspiration, qui écrivait des livres pour la jeunesse mais n'a rien publié depuis 6 ans, a été acceptée dans une résidence d'artistes financée par une fondation spécialisée dans la création et la communication.
Elle habite au 8e et dernier étage de la résidence, située à Paris, et a à sa disposition une IA qui lui sert d'assistante virtuelle multi-tâches: gestion technique de tout l'appartement mais également conversation 24 heures sur 24 avec elle. Cette IA (qui a la voix de Mylène Farmer) est surnommée Dalloway –logique, puisque Clarissa travaille sur un livre relatant les derniers jours de Virginia Woolf avant son suicide.
Comportement intrusif
Mais au fil des jours, Clarissa s'étonne du comportement de plus en plus intrusif de Dalloway, de ses questions (et réponses) de plus en plus indiscrètes. Elle commence à se méfier, et un autre membre de la résidence, Mathias (Lars Mikkelsen), musicien, lui tient des propos complotistes: "on est filmés en permanence".
Clarissa a des doutes, que ne dissipent pas les déclarations rassurantes de la directrice de la résidence (Anna Mouglalis), mais remarque, un matin, de la poudre au fond de son verre d'eau. Parano? Chaque incident, chaque remarque étrange de Dalloway, chaque révélation de Mathias vont alimenter sa méfiance et ses interrogations sur la prison dorée dans laquelle est se trouve. Et sur la manière dont son assistante virtuelle se nourrit de ses pensées…
Confinement
Réalisé par Yann Gozlan, spécialiste –plutôt doué– de films à suspense (UN HOMME IDÉAL en 2015, BOÎTE NOIRE en 2021, VISIONS en 2023), le film est l'adaptation d'un roman de Tatiana de Rosnay paru en 2020, Les Fleurs de l’ombre (Ed. Robert Laffont/Heloïse D'Ormesson, 2020). Le réalisateur l'a lu pendant le confinement de 2020, et c'est peu après, au moment où l'on commençait à parler de l'IA tous les jours dans la presse, que lui est venue l'idée d'en faire un film.
"L’irruption dans notre quotidien de ces programmes informatiques, créateurs de textes et d’images, maîtrisant le langage, bouleversent alors ma perception du projet: ce qui s’apparentait au départ à un récit d’anticipation autour de l’IA devenait tout à coup bien réel et concret", explique-t-il. "La réalité rattrapait la fiction: les problématiques autour de la création, de la technologie ainsi que du conflit entre l’homme et la machine que je souhaitais explorer, se retrouvaient brutalement au cœur de l’actualité".
Le Grok d'Elon Musk
Du coup, "à mes yeux, le film n’est pas un récit d’anticipation, mais plutôt le miroir à peine déformé de ces problématiques contemporaines", ajoute-t-il. Et il l'a tourné avant les derniers développements des polémiques et rebondissements sur les IA, notamment la "personnalité" très singulière du Grok d'Elon Musk.
Car si ce DALLOWAY est un film à suspense, ce qui effraie le plus sont les séquences qui se rapprochent le plus de la réalité. Ainsi, à un moment, Clarissa sort de la résidence et, crise sanitaire oblige, doit porter un masque dans la rue déserte dans laquelle elle se trouve, et un drone la survole et la contrôle: c'est exactement ce qui se passait en Chine pendant le confinement de 2020.
Plus de la science-fiction
Surveillance généralisée, drones, robots, capteurs, reconnaissance faciale: le film installe une ambiance qui n'est désormais plus de la science-fiction. Avec en prime, dans un fourre-tout un peu indigeste, une crise sanitaire et un confinement imposés par un virus vieux de 12.000 ans surgi du permafrost, et une canicule qui force les autorités à imposer en Ile-de-France un couvre-feu de 11h à 20h.
Le film, plutôt réussi, avec une Cécile de France omniprésente, est passionnant au début. Mais il perd de sa crédibilité dans sa seconde moitié, quand surviennent des rebondissements pas très vraisemblables visant à maintenir le suspense à un haut niveau. Des imperfections qui prouvent que le scénario n'a pas été écrit par une IA. Quoique…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Qui t'a demandé de rentrer dans mon cerveau?" (Cécile de France, s'adressant à Dalloway).
(France, 1h50)
Réalisation: Yann Gozlan
Avec Cécile de France, Anna Mouglalis, Lars Mikkelsen
(Sortie le 17 septembre 2025)
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