C'est le conflit -pacifique- des générations. Deux couples new-yorkais, séparés par 20 ans d'écart, font assaut d'amabilités, de mimétisme et de rivalités dans WHILE WE'RE YOUNG, le dernier film, intellectuellement très brillant, du réalisateur Noah Baumbach, une des jeunes icônes du cinéma indépendant américain.

Josh et Cornelia Srebnick (Ben Stiller et Naomi Watts), 44 et 43 ans, sont mariés et heureux en ménage. Ils n’ont pas réussi à avoir d’enfants mais s’en accommodent. Josh est documentariste et travaille depuis 10 ans sur le montage d'un film abscons d'une durée de six heures, qu'il n'arrive pas à terminer. La vie qu'ils mènent les satisfait, même s'ils ont le sentiment de ne pas avoir réalisé tous leurs rêves.

Leur rencontre avec Jamie et Darby (Adam Driver et Amanda Seyfried), âgés d'une vingtaine d'années, va donner du piment à leur existence. Les deux jeunes gens sont typiques de la "génération Z", née après la chute du Mur de Berlin et la création d'Internet: des hipsters qui, même sans travail régulier, mènent une vie confortable dans leur loft, font du vélo, élèvent une poule, fabriquent leur propres glaces, laissent de côté le numérique pour collectionner les vinyles et les cassettes, tapent sur des machines à écrire et jouent à des jeux de société.

Jamie est lui aussi jeune réalisateur de cinéma et avoue son admiration à Josh, qui le prend sous son aile et lui prodigue des conseils. Darby entraîne Cornelia dans ses cours de hip-hop. C'est Woody Allen chez les néo-babas, petit à petit les quadras délaissent les amis de leur âge pour fréquenter les plus jeunes. Mais auquel des deux couples cette amitié trans-générationnelle va-t-elle profiter? Et tout est-il aussi sincère qu'il y paraît?...

"Sommes-nous les mêmes dans l’intimité du couple que lorsque nous sommes en couple et en société? Bien sûr que non. Tout dépend des gens que l’on a en face de soi. C’est ce que je voulais montrer dans ce film", explique le réalisateur qui, dans ses précédents films, avait traité de l’angoisse qui s’empare des enfants de parents divorcés (LES BERKMAN SE SÉPARENT), de la relation complexe qui lie deux sœurs (MARGOT VA AU MARIAGE), du sentiment d’échec d’un privilégié (GREENBERG), et d’une jeunesse exubérante et en quête de sens (FRANCES HA).

"Chaque génération qui passe doit se résoudre à devenir un jour des vieux croûtons. Il arrive un moment où l’on observe les jeunes en se disant +On a réussi cela mieux qu’eux+ ou, au contraire, +Ils s’en tirent tellement mieux que nous+", ajoute-t-il.

A 45 ans, on voit bien que les questions posées dans le film le travaillent: à ce tournant de la vie, quid de la paternité et de la maternité, de la réussite sociale, des ambitions qui restent, des désillusions et des compromissions, des dernières tentatives de se sentir encore jeune avant de se considérer comme vieux?...

Dans cette comédie douce-amère, drôle et intelligente, très intello-bobo-citadine, Ben Stiller a abandonné ses rôles habituels de comédie (MARY À TOUT PRIX, MON BEAU-PÈRE ET MOI, LA NUIT AU MUSÉE, LA FAMILLE TENENBAUM, ZOOLANDER) pour un personnage plus sérieux, qui déconcerte un peu. Naomi Watts de son côté semble assumer plus facilement ce rôle entre deux âges, toujours séduisante mais tourmentée par un désir d'enfant non assouvi.

Chez les petits jeunes, Amanda Seyfried la joue sexy et discrète, et c'est surtout Adam Driver, nouvelle coqueluche d'Hollywood, grand et charismatique, qui se fait remarquer. Même si, en fin de compte, c'est le couple de quadragénaires qui attire le plus la sympathie...

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

"On a la liberté. Ce qu'on en fait importe peu"  (Ben Stiller).

WHILE WE'RE YOUNG

(États-Unis, 1h37)

Réalisation: Noah Baumbach

Avec Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver

(Sortie le 22 juillet 2015)