WEST SIDE STORY

Steven Spielberg révise ses classiques

Tony (Ansel Elgort) et Maria (Rachel Zegler) ne sont pas du même clan, mais ils s'aiment (©20th Century Studios/The Walt Disney Company).
Tony (Ansel Elgort) et Maria (Rachel Zegler) ne sont pas du même clan, mais ils s'aiment (©20th Century Studios/The Walt Disney Company).

Il fallait un double sacré culot de la part de Steven Spielberg pour s'attaquer à la comédie musicale et –tant qu'à faire– à la plus mythique de toutes: WEST SIDE STORY. Le plus célèbre réalisateur du monde réussit son pari avec son nouveau film, qui sort sur les écrans français ce mercredi 8 décembre, deux jours avant sa sortie américaine.  

À 74 ans, "ce film est probablement le plus intimidant de toute ma carrière. West Side Story est sans doute la plus grande musique jamais écrite pour la scène, et nous en étions tous conscients", dit le réalisateur de E.T. L'EXTRATERRESTRE, JURASSIC PARK, LA LISTE DE SCHINDLER, INDIANA JONES et autres PENTAGON PAPERS.

Pas un remake

Il n'a pas voulu faire un remake du film réalisé en 1961 par Robert Wise, avec Natalie Wood et George Chakiris, récompensé de 10 Oscars. Son WEST SIDE STORY se veut davantage une nouvelle adaptation de la comédie musicale créée en 1957 sur scène à Broadway et elle-même inspirée du Roméo et Juliette de William Shakespeare: un jeune garçon et une jeune fille s'aiment, mais sont issus de clans rivaux.

On est donc à New York en 1957 et le film s'ouvre sur un magistral long travelling aérien sur le chantier de rénovation du quartier de l’Upper West Side, dans le nord-est de Manhattan. Garçons qui dansent dans la rue, peinture murale du drapeau de Porto-Rico recouvert de peinture, première bagarre, première intervention de la police, première chanson: le décor est planté.

Jets contre Sharks

Deux bandes rivales s'affrontent dans le quartier: les Jets, des Blancs pour la plupart issus de l'immigration européenne (Italiens, Irlandais, Polonais), et les Sharks, des Portoricains à la peau plus basanée et à l'accent latino. Avec l'appui plus ou moins implicite de la police, les Jets veulent s'imposer mais se défendent d'être racistes, mettant en avant –avec pas mal de mauvaise foi– le droit du sol plutôt que le droit du sang: "Ce n'est pas une question de couleur de peau, c'est une question de territoire", disent-ils à leur rivaux.

Quand tout ce petit monde se retrouve un soir à un grand bal de quartier organisé dans un gymnase, deux membres des deux clans vont se rencontrer et tomber immédiatement amoureux: Tony et Maria.

Tony et Maria

Le premier est un ancien fondateur des Jets, qui a pris du recul après un an passé en prison pour violence et travaille désormais dans l'épicerie d'une vieille habitante du quartier, Valentina. Maria, elle, 18 ans, femme de ménage dans un grand magasin chic, est portoricaine et dûment cornaquée par son frère Bernardo, l'un des meneurs des Sharks, et sa fiancée Anita.

Tony et Maria pensent que leur amour sera plus fort que la rivalité entre Jets et Sharks. Mais une bagarre prévue entre les deux clans menace leur avenir…

Fluidité et maîtrise

Dès le début on reconnaît la fluidité et la maîtrise de la réalisation de Steven Spielberg. Mais les premiers dialogues sonnent faux (on se croit davantage dans une pièce de théâtre que dans un film), le bal ressemble plus à des championnats du monde de danse acrobatique –certes interrompus par la police– qu'à une fête de quartier, et seuls les amateurs de comédies musicales et/ou les fans de Spielberg apprécieront la longueur du film (plus de deux heures et demie, contre moins de deux heures pour le film de 1961).

Mais tout est impeccable, les décors sont très soignés –parfois même un peu trop léchés: pas un enjoliveur astiqué ne manque sur les belles voitures toutes parfaitement propres, pas un Milky Way ou une conserve de corned beef ou un exemplaire de Life sur les étagères de l'épicerie de Valentina, pas une enseigne Las Delicias Spanish American Restaurant dans la rue, pas une pub Budweiser ou Pepsi ou Coca sur les murs, pas un néon Gimbels ou Cute Rate Drugs ou Lincoln's Dinner, pas une corde à linge entre deux murs de briques, pas un flipper ou un juke-box dans les bars.

De jolis moments

Malgré ce tape-à-l'œil, ce WEST SIDE STORY à la sauce Spielberg ne manque pas d'émotion, de sincérité et de souffle, avec de jolis moments: au bal, la première rencontre entre Tony et Maria, le premier regard, le premier baiser (c'est elle qui prend l'initiative) derrière les gradins du gymnase, en coulisses, avec les deux néo-amoureux paradant comme deux oiseaux fragiles.

Et puis il y a les chansons originales, sur la célèbre musique de Leonard Bernstein: Tonight, avec Maria et Tony séparés par les grilles des escaliers métalliques extérieurs, une scène magnifiquement filmée (c'est le début de la bande-annonce, à voir ci-dessous); ou l'emblématique America (à ré-écouter ici), qui compare les avantages et inconvénients de la vie des Portoricains à New York.

Acteurs peu connus

Pour réussir sa comédie musicale, avec des scènes de danse proches de la perfection, Spielberg s'est bien sûr appuyé sur des acteurs peu connus, capables non seulement de jouer la comédie mais aussi de chanter et danser.

Ansel Elgort, 27 ans, remarqué dans Nos Étoiles contraires ainsi que la trilogie Divergente et Baby Driver, est un Tony à l'air un peu niais mais touchant. Maria est interprétée par une débutante, Rachel Zegler, 20 ans, pleine de malice et au ravissant sourire.

Mais, dans une distribution où les personnages des Sharks sont tous des acteurs ou actrices latino-américain(e)s, Ariana DeBose, dans le rôle d'Anita, tonique et charismatique, vole presque la vedette aux deux jeunes premiers. Elle est la digne héritière de Rita Moreno, qui jouait Anita dans le film de 1961 et tient ici le rôle de Valentina.

Un message de tolérance

Pour virtuose qu'il soit, Spielberg ne s'est pas contenté de se faire plaisir et de réaliser un film superbe. Il a voulu aussi transmettre un message de tolérance et de respect des autres. "La xénophobie est une part très importante de West Side Story", expliquait-il dans une interview à France-Inter lundi 6 décembre. "La raison pour laquelle nous avons fait notre film, c'est parce que des enfants sont arrêtés et mis dans des cages à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Ça s'est passé pendant que l'on filmait West Side Story. Chaque jour, on s'est réveillé avec ces mauvaises nouvelles et on s'est dit que notre message était de plus en plus pertinent".

Pour le réalisateur de LA COULEUR POURPRE, d'AMISTAD et de LINCOLN, l'histoire de WEST SIDE STORY est plus actuelle que jamais: "Cette histoire s’inspire toujours de Roméo et Juliette, mais c’est aussi une allégorie très pertinente de ce qui se passe le long de nos frontières et des actions mises en place dans le but de rejeter tous ceux qui ne sont pas blancs. C’est une grande partie de l’histoire américaine. Les personnages disent et font des choses dans notre WEST SIDE STORY qu’ils n’ont pas dites ou faites sur scène ou dans le film de 1961".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"La vie compte encore plus que l'amour" (Valentina à Tony).

 

West Side Story

(États-Unis, 2h36)

Réalisation: Steven Spielberg

Avec Ansel Elgort, Rachel Zegler, Ariana DeBose

(Sortie le 8 décembre 2021)


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