VIVRE ET CHANTER

Viens voir les comédiens (chinois)

Les comédiens de l'opéra chinois, menacé de disparition, tentent de survivre (©Epicentre Films).
Les comédiens de l'opéra chinois, menacé de disparition, tentent de survivre (©Epicentre Films).

Les temps changent, les goûts du public évoluent, les traditions se perdent –en Chine comme ailleurs. Le film VIVRE ET CHANTER illustre le lent et inéluctable déclin de l'opéra traditionnel chinois, à travers l'histoire d'une petite troupe de comédiens.

Ils sont une douzaine qui jouent régulièrement, dans une sorte de hangar de la banlieue de la grande ville de Chengdu, dans le centre de la Chine. Chants, danses, masques, costumes traditionnels: ils font cela depuis des années. Leur public n'est pas nombreux, ils ont du mal à joindre les deux bouts, certains voudraient quitter la troupe pour des emplois mieux payés.

"Seuls les anciens aiment l'opéra. Le public ne se renouvelle pas", se lamente un des comédiens. La patronne de la troupe essaye de maintenir l'unité de sa troupe, dont fait partie sa nièce de 20 ans qui arrondit ses fins de mois en chantant dans une boîte de nuit. Quand elle apprend que son hangar va être démoli pour laisser place à un immeuble, elle décide de se battre pour trouver un nouveau lieu où ses comédiens pourront continuer de vivre et chanter...

C'est le deuxième long-métrage du réalisateur Johnny Ma, 37 ans, après OLD STONE (2016), histoire d'un chauffeur de taxi qui se bat contre l’administration chinoise. Le réalisateur est né à Shanghai mais a émigré au Canada à l'âge de 10 ans et, après des courts métrages et téléfilms, s'intéresse à la société chinoise.

Ici il a été inspiré par un documentaire qui avait été tourné par un journaliste chinois pour évoquer ce déclin de l'opéra traditionnel et le sort de ses petites troupes de comédiens. VIVRE ET CHANTER, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, manque un peu de rythme et s'attarde trop peu sur ses personnages principaux mais a l'avantage de mélanger fiction et réalité: certains acteurs jouent leur propre rôle et de vrais spectateurs ont été filmés lors de représentations, donnant des images pleines de vérité et d'émotion.

Aujourd'hui, dit le réalisateur, l'opéra chinois "est en pleine mutation car le public change lui aussi. C’est devenu une attraction pour touristes". Mais si ce déclin semble inexorable, son film laisse un peu d'espoir aux comédiens auxquels il rend un hommage ému: "Ils sont contraints de s’adapter au goût du public et de se moderniser mais cela n’entache en rien leur joie de créer. S’ils étaient nés à une autre époque, ils ne rencontreraient pas autant de difficultés, liées aux changements du monde moderne. Ils s’accrochent à leur identité, leurs valeurs morales et à leur famille. Est-ce qu’ils pourront continuer de cette manière? La question reste en suspens. Leur avenir est plutôt sombre. Mais même quand tout cela aura disparu, il restera la magie de ce qu’ils ont créé ensemble".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"L'art doit s'adapter au monde réel" (le patron d'un restaurant-cabaret, qui emploie des chanteurs avec des masques rappelant l'opéra chinois).

 

VIVRE ET CHANTER

("Huo zhe chang zhe") (Chine, 1h39)

Réalisation: Johnny Ma

Avec Gan Guidan, Yan Xihu, Zhao Xiaoli

(Sortie le 20 novembre 2019)