Chanteur travesti à Cuba, pas facile
L'histoire, racontée par un réalisateur irlandais, d'un jeune coiffeur qui rêve de devenir chanteur travesti dans un cabaret de La Havane: le film VIVA, candidat irlandais à l'Oscar du meilleur film étranger, ne manque pas d'originalité.
Jesus, jeune homme qui vit seul depuis la mort de sa mère, est coiffeur pour vieilles dames à domicile, et le soir il s'occupe des perruques des drag-queens du Palermo Cabaret dans les quartiers populaires de La Havane. Parfois, pour arrondir ses fins de mois, il se prostitue sur une des places où passent les touristes.
Son rêve est de devenir lui aussi un artiste, de monter sur scène et de se travestir pour chanter de vieilles chansons d'amour sur la scène du cabaret. Il s'entraîne, passe une audition, et le patron lui donne sa chance. Robe fourreau blanche, écharpe-boa rouge, double collier de perles, faux seins, rouge à lèvres et boucles d'oreilles pendantes: il est transformé, superbe, prend le nom de scène de "Viva".
Mais alors qu'il touche au but et pense pouvoir réaliser son rêve, débarque son père, qui avait quitté le domicile familial quand il avait trois ans. C'est un ancien boxeur, alcoolique et violent, qui vient de sortir de prison et s'installe chez lui. "Je ne veux plus que tu fasses ça", lui dit-il.
Pourtant, ce père caricatural n'est pas si mauvais qu'il y paraît. Plein de bonne volonté, il veut établir une relation apaisée avec son fils. Celui-ci va essayer de le convaincre que chacun a le droit de suivre sa voie…
"J’ai eu envie de faire VIVA après avoir vu plusieurs spectacles de drag-queens à La Havane. Au beau milieu de nulle part, un drap tendu au fond d’un jardin et une simple lampe suffisaient à créer un théâtre et un monde de rêves. Le pouvoir de la transformation et de la création était guidé par le désir d’exprimer son identité d’une voix brute, imperturbable. C’était enivrant", explique le réalisateur irlandais Paddy Breathnach, connu des cinéphiles avertis notamment pour IRISH CRIME en 1998 ou MAN ABOUT DOG en 2004.
"J’ai souhaité amener ce ton romantique, plein de vie, dans un univers cinématographique naturaliste. Lorsque j’ai découvert la grande richesse des acteurs cubains, cela m’a permis de pousser ce mélange d’émotions exubérantes, d’authenticité, d’esthétique et de naturalisme encore plus loin", ajoute-t-il. Et il est vrai que les acteurs locaux sont, ici, tous formidables, à commencer par le jeune Hector Medina Valdes qui interprète le personnage principal, et Jorge Perugorria, l'un des plus célèbres acteurs cubains, qui joue son père.
Le réalisateur montre un des côtés peu connu de La Havane, superbement filmée souvent sous la pluie. Mais au-delà de l'exotisme du sujet et de l'éloge un peu convenu de la différence et de la tolérance, "au coeur du film, il y a l’affrontement entre un fils et son père sur la question de son identité et de l’amour filial", explique-t-il. Le film est gai, plein d'humour, ne tire pas trop sur la veine tragique ou sociale et la fin, qu'on voit certes venir, est particulièrement émouvante, avec une magnifique séquence finale.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Parfois, quand tu as du rhum dans les veines, tu as l'impression que tu peux tout faire" (le père, à son fils).
(Irlande/Cuba, 1h40)
Réalisation: Paddy Breathnach
Avec Jorge Perugorria, Luis Alberto Garcia, Héctor Medina Valdés
(Sortie le 6 juillet 2016)