UN VOYAGE

Aller simple compliqué

Anna Mouglalis court dans les rues, la nuit (©Epicentre Films)
Anna Mouglalis court dans les rues, la nuit (©Epicentre Films)

Pour son quatrième long métrage, Samuel Benchetrit a choisi l’austérité. A la fois dans le choix du sujet et les moyens mis en œuvre pour la réalisation.
Tourné en trois semaines avec une équipe réduite, filmé caméra à l’épaule avec un éclairage approximatif, un mélange de montage nerveux et de plans-séquence interminables, UN VOYAGE parle de l’euthanasie volontaire et de ceux qui décident de choisir le moment et les modalités de leur mort.
Mona (Anna Mouglalis) et Daniel (Yann Goven), un couple parisien, déposent leur jeune fils à la maternelle, un vendredi matin. Ils partent en week-end, c’est la grand-mère qui viendra chercher l’enfant en fin de journée.
Le week-end est un voyage en Suisse, où plusieurs associations apportent l’aide matérielle à ceux qui ont décidé d’organiser leur mort.
Mona se sait atteinte d’une maladie incurable, et a donc choisi d’en finir. Daniel l’accompagne dans ce week-end en amoureux pas tout à fait comme les autres. Iront-ils jusqu’au bout?...
Sur ce sujet grave, les cinq dernières minutes du film sont poignantes, particulièrement réussies, entre réalisme et émotion. Cela ne suffit pourtant pas à sauver un film qui oscille, pendant une heure et demie, entre le ridicule et le n’importe quoi.
Mona et Daniel rencontrent un couple au restaurant, tentent en vain de faire l’amour dans leur chambre d’hôtel, font de la randonnée en montagne en robe de soirée et costume-cravate, miment dans la nature un couple de singes, se perdent de vue et se retrouvent dans les rues de la ville en pleine nuit… Autant de séquences bizarres, incongrues, qui mettent mal à l’aise.
Les acteurs sont aussi pour beaucoup dans ce sentiment d’assister à un film ’’difficile’’, intellectuellement épuisant pour le spectateur. La belle Anna Mouglalis a une voix qui fascine ou qui agace, c’est selon (entre Delphine Seyrig et Fanny Ardant). Son partenaire Yann Goven, lui, a une voix normale mais un physique ingrat qui donne l’impression que c’est lui le malade.
Dès les premières minutes du film, on a envie de sortir de la salle. On est ensuite un peu fasciné, de manière masochiste, par le traitement non conventionnel de l’histoire. Et la fin, donc, est plus intéressante, remettant enfin au premier plan le sujet du film.
Après JANIS ET JOHN en 2003 (avec Sergi Lopez, François Cluzet, Marie Trintignant),  J’AI TOUJOURS RÊVÉ D’ÊTRE UN GANGSTER en 2008 (avec Anna Mouglalis, Edouard Baer, Jean Rochefort) et CHEZ GINO en 2011 (avec José Garcia, Anna Mouglalis, Sergi Lopez), Samuel Benchetrit explique qu’’’UN VOYAGE est né de l’envie de faire un film de façon différente de (ses) habitudes’’.
’’J’aime cette idée de faire des allers-retours avec l’industrie ’classique’ du cinéma’’, ajoute-t-il, situant le film comme ’’premier volet d’une trilogie –tournée avec la même économie et la même méthode de travail– qui parlerait de la femme dans nos sociétés occidentales d’aujourd’hui’’.
On n’est pas sûr de mourir d’impatience en attendant le deuxième volet.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
’’C’est aujourd’hui. C’est aujourd’hui que je meurs’’ (la première phrase du film, prononcée par Anna Mouglalis).

UN VOYAGE
(France, 1h37)
Réalisation: Samuel Benchetrit
Avec Anna Mouglalis, Yann Goven, Céline Sallette
(Sortie le 23 avril 2014)