UN PETIT BOULOT

Romain Duris tueur à gages malgré lui

Michel Blanc à Romain Duris: "ce n'est pas le moment de refuser du boulot" (©Nicolas Schul/Gaumont Distribution).
Michel Blanc à Romain Duris: "ce n'est pas le moment de refuser du boulot" (©Nicolas Schul/Gaumont Distribution).

"Ce n'est pas le moment de refuser du boulot", lui dit Michel Blanc. Alors Romain Duris, chômeur, devient tueur à gages malgré lui dans UN PETIT BOULOT, le dernier film de Pascal Chaumeil, polar au ton de comédie que le réalisateur a tout juste eu le temps de terminer avant de mourir d'un cancer il y a un an à l'âge de 54 ans.

Dans une petite ville du nord de la France (ou du sud de la Belgique), la plupart des ouvriers de l'usine ont été licenciés et Jacques (Romain Duris) se retrouve au chômage, avec d'autres. "Les copains et moi, on est devenus demandeurs d'emploi, nos banquiers sont devenus demandeurs de fric", explique-t-il.

L'usine a fermé, sa petite amie est partie, les dettes s'accumulent. Un de ses copains (Gustave Kervern) lui trouve du travail avec lui dans une station-service, mais ce n'est pas suffisant. Alors quand le bookmaker mafieux local (Michel Blanc) lui propose 20.000 euros pour tuer sa femme qui le trompe, Jacques hésite. Mais pas longtemps.

Il accepte, et effectue ce petit boulot. Maladroitement, mais efficacement. Il ignore qu'il a mis le doigt dans un engrenage dans lequel, finalement, il va se trouver de plus en plus à l'aise. Car d'autres commandes d'assassinat vont suivre, et il va se prêter au jeu.

Mais l'arrivée d'un désagréable représentant de la compagnie pétrolière venu contrôler le bon fonctionnement de sa station-service (Alex Lutz) et la rencontre inopinée d'une jeune policière qu'il essaye de séduire (Alice Belaïdi) vont compliquer les choses…

Drôle plus qu'haletant, privilégiant l'humour autant que le suspense, le film n'est pas sans rappeler le ton de L'ARNACOEUR, le petit bijou de comédie que réalisa Pascal Chaumeil en 2010, avec Romain Duris et Vanessa Paradis, et qui eut un gros succès (3,8 millions d'entrées).

UN PETIT BOULOT est tiré d'un livre de l'écrivain écossais Iain Levison, sorti en 2003 (Ed. Liana Levi), et dont l'action se déroule dans une petite ville américaine. Michel Blanc l'a adapté assez fidèlement, en situant l'action dans le nord de la France, et en en gardant les réflexions sur les difficultés sociales des chômeurs et les licenciements massifs dans les régions sinistrées.

Le livre "avait les qualités idéales pour être adapté: j’aimais son côté noir, son humour dévastateur, l’aspect totalement imprévisible du récit et son suspense implacable; j’aimais ses personnages attachants et ancrés dans une profonde réalité sociale; et j’étais très sensible au commentaire de Iain Levison sur les ravages du capitalisme sauvage (dont la justesse demeure frappante dix ans plus tard)", expliquait Pascal Chaumeil l'an dernier dans une interview peu après avoir fini son film.

Romain Duris est savoureux en loser sympathique, barbu et chevelu, l'œil malicieux, qui regagne confiance en lui par des moyens pas vraiment recommandables. Ce politiquement incorrect s'accompagne de dialogues ciselés au cordeau –parfois même trop bien tournés, trop cinématographiques, qui achèvent de donner à ce faux polar un air de vraie comédie, où les morts s'accumulent mais où l'histoire est à prendre au second degré.

Citant l'aphorisme célèbre (mais dont l'auteur précis divise les historiens) selon lequel "L’humour est la politesse du désespoir", Pascal Chaumeil expliquait qu'il "résumait (son) approche et celle de Michel Blanc: la richesse thématique du film, son contenu politique, son immoralité, son suspense toujours haletant ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit avant tout d’une comédie".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Peut-être que finalement le bonheur, c'est quand on ne s'en rend pas compte" (Romain Duris, à la fin).

 

UN PETIT BOULOT

(France, 1h37)

Réalisation: Pascal Chaumeil

Avec Romain Duris, Michel Blanc, Alice Belaïdi

(Sortie le 31 août 2016)