THE IMMIGRANT

Amérique, terre promise

Joaquin Phoenix et Marion Cotillard, deux acteurs inspirés (©Wild Bunch)
Joaquin Phoenix et Marion Cotillard, deux acteurs inspirés (©Wild Bunch)

La première image du film montre la statue de la Liberté, vue du bateau d'immigrants. Ellis Island, 1921. Deux soeurs polonaises débarquent à New York, terre promise pour une vie meilleure.
Mais Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine à l'infirmerie. Et Ewa (Marion Cotillard) se retrouve seule et désemparée. Son oncle et sa tante, qui devaient venir la chercher, ne sont pas là. Elle est placée sur la liste des expulsables.
Bruno (Joaquin Phoenix) l'a remarquée dans la file d'attente. Il a ses entrées auprès des services de l'immigration et, grâce à un pot-de-vin, evite à Ewa le bateau de retour.
Il lui trouve un appartement. Lui promet du travail comme couturière. Mais Ewa est jeune et jolie. Et Bruno tient un cabaret dont les filles, ses employées, font des heures supplémentaires en dehors de la scène.
Pour payer la liberté de sa soeur, Ewa doit elle aussi se plier à la règle. ''Combien de temps vais-je devoir faire cela?'', demande-t-elle à Bruno. Jusqu'au jour où Orlando (Jeremy Renner), illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne un peu d'espoir...
Mélodrame et atmosphère sombre dans ce cinquième film de James Gray, comme les précédents, tous salués par la critique: LITTLE ODESSA (1994), THE YARDS (2000), LA NUIT NOUS APPARTIENT (2007) et TWO LOVERS (2008).
Dans LITTLE ODESSA, il avait déjà évoqué les racines juives russes de sa famille. Ici, c'est en s'inspirant de photos prises par son grand-père paternel, arrivé d'Ukraine à Ellis Island en 1923, qu'il a construit le scénario.
C'est son film le plus personnel, reconnaît-il, mais pas forcément autobiographique. Dans THE IMMIGRANT, le personnage principal est une femme (alors que les rôles masculins prédominaient dans ses quatre premiers films), et ce n'est pas une Russe juive mais une Polonaise catholique.
Dans la forme, le film est ''inspiré en partie par la tradition de l'opéra et du mélodrame où l'on cherche à atteindre une vérité supérieure par des émotions démesurées, et des situations dramatiques'', explique le réalisateur.
Et, en effet, plus on avance dans le film, plus l'histoire s'étoffe et plus les personnages prennent de l'épaisseur. Une pauvre immigrante polonaise contrainte à la prostitution par un souteneur new-yorkais sans scrupules? Ce n'est pas aussi simple que cela.
Le film dresse le portrait de deux êtres qui se haïssent eux-mêmes, haïssent ce qu'ils sont, haïssent ce qu'ils font –mais qui s'aiment, et aspirent au salut d'une manière ou d'une autre. ''J'apprends le pouvoir du pardon'', dit Marion Cotillard en fin de film.
''Personne n'est assez vil ou horrible pour mériter l'oubli ou la haine'', renchérit James Gray, qui a réussi à donner à son histoire la dimension d'une fable, à l'atmosphère sombre mais aux enseignements universels.
Et une belle scène, émouvante et forte, dans un hangar désert et désaffecté d'Ellis Island, met face à face une dernière fois les deux superbes acteurs, Marion Cotillard, qui poursuit sa jolie carrière américaine, et Joaquin Phoenix, acteur fétiche de James Gray.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Ne cessez de croire. Ne cessez de garder l'espoir. Le rêve américain vous attend'' (Jeremy Renner, dans le rôle de l'illusioniste Orlando qui fait un spectacle à Ellis Island pour les immigrants en centre de rétention, attendant d'être admis ou refusés sur le sol américain).

THE IMMIGRANT
(États-Unis, 1h57)
Réalisation: James Gray
Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner
(Sortie le 27 novembre 2013)