THE GRAND BUDAPEST HOTEL

Film quatre-étoiles

Tilda Swinton et Ralph Fiennes, à droite, et Tony Revolori, au fond (©20th Century Fox)
Tilda Swinton et Ralph Fiennes, à droite, et Tony Revolori, au fond (©20th Century Fox)

A Lutz, station thermale fictive d’un pays montagneux tout aussi imaginaire, la République de Zubrowka, se dresse un magnifique établissement: le Grand Budapest Hotel. Il eut ses heures de gloire dans les différentes époques de l’Europe de l’Est du XXe siècle: la Belle Epoque, la montée du fascisme dans les années 30, la période communiste.
Dans son décor suranné, toujours très classe mais un peu décrépi, un écrivain (Jude Law) rencontre un des rares clients –qui se trouve être, en réalité, le propriétaire de l’hôtel (F. Murray Abraham).
Celui-ci, au cours d’un dîner en tête à tête, va lui raconter son histoire, et celle de l’hôtel. Il a débuté au Grand Budapest Hotel comme garçon d’étage en 1932, alors qu’il s’appelait Zero Moustafa, jeune immigré pakistanais pris sous son aile par un homme hors du commun: Monsieur Gustave (Ralph Fiennes), le premier maître d’hôtel de l’établissement, personnage raffiné se parfumant à ’’L’Air de Panache’’, confident des riches clients et gigolo à ses heures.
Leurs aventures, entre recherche d’un tableau volé et conflit autour d’un important héritage familial, entre évasion d’une prison austère et course-poursuite dans la neige en traîneau, au cœur de la vieille Europe en pleine mutation, seront toutes aussi rocambolesques et inattendues les unes que les autres…
C’est le huitième –et sans doute le meilleur– long métrage de l’Américain Wes Anderson, réalisateur notamment de LA FAMILLE TENENBAUM, LA VIE AQUATIQUE ou MOONRISE KINGDOM. Il le définit comme ’’un mélange d’inspirations incluant entre autres les comédies d’avant la censure des années 30, ainsi que les histoires et les mémoires de l’auteur viennois Stefan Zweig’’.
Les décors, les couleurs, les petits détails qui accrochent l’œil à tout moment, le rythme auquel se succèdent les péripéties de l’histoire, l’humour qui pimente les scènes d’action, les personnages multiples et tous très typés: tout le film met en marche, pendant plus d’une heure et demie, le mécanisme de l’imaginaire qui rappelle, parfois, pourquoi le cinéma a été créé.
C’est, pour le spectateur, un vrai plaisir pour les yeux, pour les oreilles, pour l’esprit. C’est drôle et impeccablement bien fait, on en sort joyeux –ce n’est pas si souvent–, heureux de ne pas avoir dépensé son argent pour un film étriqué, inintéressant ou banal: THE GRAND BUDAPEST HOTEL, c’est tout le contraire.
Côté distribution, on en a également pour son argent. Retenez votre respiration: Jude Law, F. Murray Abraham, Ralph Fiennes, Tilda Swinton méconnaissable en vieille comtesse ridée, Edward Norton en policier prussien, Léa Seydoux en femme de chambre sournoise, Mathieu Amalric en majordome comploteur, Adrien Brody en héritier colérique, Willem Dafoe en enquêteur meurtrier, Jeff Goldblum en avocat exécuteur testamentaire, Harvey Keitel en taulard chauve et tatoué, Bill Murray en maître d’hôtel moustachu, Owen Wilson en concierge remplaçant…
Au milieu de tout ce beau monde, ’’pour la première fois à l’écran’’, comme dit le générique, un jeune acteur du nom de Tony Revolori, dynamique et rigolo, donne la réplique à Ralph Fiennes, principal personnage du film.
En sortant de la salle de cinéma, on n’a qu’une envie: aller passer un week-end de charme dans les décors hors d’âge de ce Grand Hotel Budapest, qu’on imagine vaguement entre Autriche et Hongrie. Eh bien il n’existe pas.
Le film a été tourné dans un ancien grand magasin du début du siècle situé à Görlitz, une ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco à la frontière de l’Allemagne, de la Pologne et de la République tchèque. La façade de l’hôtel elle-même a été construite dans les ateliers des studios de Babelsberg, en Allemagne.
Mais la petite ville de Görlitz avait bien plus à offrir que ce grand magasin: il y a là-bas des bâtiments d’influence gothique et baroque, et aussi Art Nouveau, avec ses courbes caractéristiques presque modernes. C’est pourquoi, précise la production, presque tous les autres lieux de tournage ont été trouvés à Görlitz et dans les environs immédiats. Ce qui donne un charme supplémentaire à ce film quatre-étoiles.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
’’Aucun flocon ne ressemble à un autre’’ (Ralph Fiennes, pour célébrer la diversité de la vie).

THE GRAND BUDAPEST HOTEL
(États-Unis, 1h40)
Réalisation: Wes Anderson
Avec Ralph Fiennes, F. Murray Abraham, Jude Law
(Sortie le 26 février 2014)