SELMA

La longue marche de Martin Luther King

David Oyelowo interprète Martin Luther King (©Pathé Distribution)
David Oyelowo interprète Martin Luther King (©Pathé Distribution)

Il y a eu Malcom X, Mandela, Gandhi, mais il a fallu attendre un demi-siècle pour que Martin Luther King intéresse Hollywood.  SELMA, premier film dont le pasteur noir américain est le personnage principal, n'est cependant pas un biopic: le film raconte les quelques mois, en 1964 et 1965, où il s'est battu pour obtenir que les Noirs américains puissent vraiment avoir le droit de vote.

Ce droit de vote avait été accordé pour la première fois aux Noirs américains (tout au moins aux hommes) en 1870 par le 15e Amendement à la Constitution. Mais, dans les faits, beaucoup d'Etats, principalement dans le sud du pays, s'y refusaient encore dans les années 60. Les officiers d'état-civil multipliaient les obstacles administratifs pour empêcher les citoyens noirs de s'inscrire sur les listes électorales.

Auréolé de son Prix Nobel de la paix décerné quelques semaines auparavant, Martin Luther King est reçu fin 1964 à la Maison Blanche par Lyndon B. Johnson (Tom Wilkinson). Il lui explique que cette situation ne peut plus durer, mais le président lui répond qu'il y a d'autres priorités, notamment la lutte contre la pauvreté. "Ce sera Selma", dit à ses proches collaborateurs Martin Luther King à la sortie de l'entretien.

Selma est un symbole: une petite ville de l'Alabama où les Noirs représentent 58% de la population mais dont seulement 2% ont pu s'inscrire sur les listes électorales. Martin Luther King se rend sur place pour y organiser une marche entre Selma et Montgomery, la capitale de l'Etat. Le gouverneur, George Wallace (Tim Roth) s'y oppose.

Après plusieurs heurts et arrestations, une première marche se met en route le 7 mars 1965. Mais elle est violemment stoppée par la police, sous les yeux des caméras de télévision et des journalistes de la presse écrite. C'est le 50e anniversaire de cette journée sanglante qu'a célébrée Barack Obama samedi dernier, en se rendant sur place et en prononçant un discours important.

Une deuxième marche aura lieu deux jours plus tard, mais fera vite marche arrière par crainte de nouvelles violences policières. Après des péripéties, des tractations, le décès d'un pasteur blanc battu à mort par des ségrégationnistes blancs, Martin Luther King sera à la tête de la marche finale, longue de 80 kilomètres entre Selma et Montgomery, du 21 au 25 mars, qui rassemblera dans ses derniers kilomètres près de 25.000 personnes.

Quatre mois et demi plus tard, le président Johnson signera le "Voting Rights Act" permettant enfin aux citoyens noirs de s'inscrire librement sur les listes électorales de tous les Etats. Une victoire pour Martin Luther King, qui mourra trois ans plus tard, à 39 ans, assassiné par un ségrégationniste blanc à Memphis (Tennessee).

"Je me suis efforcée d'être au plus près de la vérité: les faits et les témoignages sont plus forts que tout ce que l'on peut inventer" , explique la réalisatrice noire Ava DuVernay, dont c'est le premier film à gros budget. "Aucun personnage du film n'est la somme de plusieurs autres. Chacun d'eux a vraiment existé, s'est vraiment battu, a vraiment accompli toutes ces choses. La réalité est bien plus fascinante que n'importe quelle fiction".

Beaucoup, à Hollywood, se sont indignés que le film ne reçoive que deux nominations pour les récents Oscars. Mais il a reçu une standing ovation lors de la cérémonie quand il en a remporté l'un des deux, celui de la meilleure chanson.

Fidèle aux événements historiques, militant et ne donnant pas la part belle aux Blancs mais émouvant et sans manichéisme, le film s'intéresse à l'entourage de Martin Luther King pendant ces quelques mois de 1965, aux luttes d'influences parmi les différents leaders noirs, au rôle joué par le FBI, aux hésitations du président Johnson. Il est surtout porté par l'acteur britannique David Oyelowo, impressionnant de sobriété et de force tranquille dans cette première interprétation à l'écran d'un des personnages historiques majeurs de l'Amérique des années 60.

Jean-Michel Comte


LA PHRASE

"La non-violence ce n'est pas passif, c'est très puissant" (Martin Luther King).


SELMA

(États-Unis, 2h08)

Réalisation: Ava DuVernay

Avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo

(Sortie le 11 mars 2015)