L'envol de Macron vu par une journaliste débutante
C'était, pour tous les deux, la PREMIÈRE CAMPAGNE, comme l'indique le titre du documentaire qui sort ce mercredi 17 avril sur les écrans: fraîchement débarquée au service politique de France-2, la jeune journaliste Astrid Mezmorian a suivi Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle. Deux mois de marathon pour deux novices…
"Quand elle est arrivée au service politique de France-2, en septembre 2017, Macron quittait le gouvernement pour lancer sa campagne présidentielle. Astrid était la petite jeune du service et on l’a envoyée au premier meeting de Macron parce que ça n’intéressait personne", explique son ami la réalisatrice, Audrey Gordon. Toutes les deux se sont connues à l'École de journalisme de Sciences-Po, dont elles sont sorties diplômées en 2011. Audrey Gordon a travaillé à Libération et à France-3 avant de réaliser des courts-métrages documentaires. PREMIÈRE CAMPAGNE est son premier long-métrage.
On y voit beaucoup Emmanuel Macron et son entourage, dont sa femme Brigitte. Mais c'est surtout Astrid Mezmorian que l'on suit dans son travail tout au long de cette campagne: en voiture, en TGV, en reportage sur le terrain, en interviews, en studio, en salle de montage, en commentaire off, en direct, en différé.
Avant un meeting en Gironde elle cherche des sympathisants de Benoît Hamon parmi ceux qui viennent écouter Emmanuel Macron, elle suit les résultats du premier tour au milieu des militants, elle est à Oradour-sur-Glane entre les deux tours, elle écoute en coulisses le débat Macron-Le Pen, elle est aux abords du QG d'En Marche! le soir de la victoire.
On la voit prendre des notes sur son calepin avec son Bic deux-couleurs, demander son avis à son père, téléphoner à sa mère quand elle passe en direct à la télé, écouter la radio sur son ordinateur le matin en peignoir dans sa cuisine en buvant son thé. On la voit demander conseil à son cameraman et recevoir les instructions de Nathalie Saint-Cricq, la chef du service politique de France-2. Cette campagne, "c'est le truc le plus passionnant que j'ai jamais fait", dit-elle.
On la voit aussi s'interroger sur son travail, au quotidien. "Tous les jours, Astrid se posait les mêmes questions que moi, sur la juste distance vis à vis de Macron", raconte la réalisatrice Audrey Gordon. "Elle se demandait comment ne pas être identifiée à ce candidat, comment garder du recul et éviter la connivence. Astrid est la seule journaliste que j’ai entendue vouvoyer les équipes de campagne sur le terrain".
Le film n'est pas passionnant ni original mais ne manque pas d'intérêt pour ceux qui s'intéressent à la politique et/ou au journalisme. La plupart ne le feront pas, mais les gilets jaunes qui, chaque samedi, réclament la démission de Macron et critiquent et méprisent –et parfois tabassent– les journalistes devraient aller voir ce documentaire. Cela ne changera pas leur opinion sur le chef de l'État mais cela leur montrera peut-être que le journalisme est un vrai métier, avec ses interrogations, ses montages, ses équilibres, ses précautions, ses choix, un métier qui ne se résume pas à diffuser en direct et en continu des vidéos sur Facebook.
"Je m’interroge beaucoup quand des gens nous méprisent, nous assimilent au pouvoir. C’est souvent le cas. Raison de plus pour prendre ses distances avec ce monde-là et pour prouver aux citoyens qu’on doit les aider à se faire une opinion éclairée, à avoir des éléments objectifs et prouver par les faits que tous les journalistes ne sont pas proches du pouvoir", explique Astrid Mezmorian, qui est toujours sur France-2.
À la fin du documentaire, avant l'élection de Macron, elle ironise: "Je pense qu'il connaît mon prénom. Je n'en sais rien, en fait". Maintenant c'est fait.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Arrête de tutoyer les gens, je m'évertue à les vouvoyer" (Astrid Mezmorian, à son caméraman).
(France, 1h12)
Réalisation: Audrey Gordon
Avec Astrid Mezmorian
(Documentaire)
(Sortie le 17 avril 2019)