GRACE DE MONACO

Superwoman

Nicole Kidman, vraie princesse (©Gaumont)
Nicole Kidman, vraie princesse (©Gaumont)

''Ce film est une fiction inspirée de faits réels''. La phrase, en prélude au film, résume donc ce qu'Olivier Dahan a voulu faire: GRACE DE MONACO n'est pas un biopic, le réalisateur l'a dit et répété.
Le film, qui a ouvert le 67e Festival de Cannes ce mercredi 14 mai –et a reçu un accueil glacial de la part des critiques et des festivaliers– se concentre sur quelques mois de 1962. Quelques mois au cours desquels deux crises vont éclater: l'une entre la France et Monaco, l'autre entre la princesse Grace et le prince Rainier.
Le premier couple en danger, celui que forme la République française de De Gaulle et la principauté de Monaco de Rainier, traverse à ce moment-là un épisode charnière de son existence.
La principauté manque d'argent, la France aussi. De Gaulle veut que les entreprises françaises installées sur le Rocher payent des impôts en France. Rainier, conseillé par Aristote Onassis, refuse. C'est la crise, Paris décidant d'imposer un blocus de la principauté.
L'autre couple en danger, c'est celui qui unit Grace et Rainier depuis six ans. Grace Kelly, devenue princesse, a renoncé à sa carrière. Mais cela lui manque, et quand Alfred Hitchcock lui propose le rôle principal de PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE, elle songe à accepter. Ce qui ne va pas plaire à Rainier...
C'est en mêlant ces deux histoires, dont chacune a des conséquences sur l'autre, qu'Olivier Dahan a construit sa fiction et nourri le personnage de Grace qu'il décrit dans le film, pendant ces quelques mois de son existence.
Grace, après bien des tourments et des hésitations, finira par résoudre presque à elle seule les deux crises, à sauver les deux couples: France/Monaco, Grace/Rainier. Une vraie Superwoman.
Tant pis si, pour la démonstration, Olivier Dahan a fait venir à Monaco à la fois Alfred Hitchcock et Charles de Gaulle en cette année 1962, alors que ni l'un ni l'autre ne firent le déplacement. ''Je revendique le droit de faire un film de fiction. Ce n'est pas un travail d'historien, mais d'artiste'', plaide le réalisateur.
Le film, on le sait, a déclenché deux polémiques. L'une avec les enfants de Grace et Rainier (Albert, Caroline, Stéphanie), qui ont dénoncé les inexactitudes de l'histoire et le côté ''glamour'' et romancé du film. Pas de quoi en faire tout un plat cependant, le film donnant plutôt une image favorable et positive de Grace, de Rainier, de leur couple et de la principauté.
Seconde polémique, celle opposant le réalisateur au distributeur américain du film, Harvey Weinstein, le premier accusant le second d'avoir effectué un nouveau montage du film qualifié de ''conte de fées aseptisé''. Là encore on est curieux de voir la version Weinstein, car la copie Dahan –présentée à Cannes et dans les salles françaises le même jour– tourne souvent à la bluette et au mélo sans grande consistance. Plus ''conte de fées aseptisé'', on est curieux de voir...
La performance des deux acteurs principaux, Nicole Kidman et Tim Roth, n'est pas en cause, ils sont impeccables. Mais le film semble calibré comme un blockbuster américain, avec belles images propres et lumière léchée, invraisemblances dans le scénario, personnages caricaturaux (De Gaulle notamment, quel second rôle raté!), mélange de french dialogues et d'anglais, image de la France des années 60 très hollywoodienne, morceaux de suspense sur fond de complot, dialogues qui résonnent comme des phrases définitives... et une transformation de Grace, entre le début et la fin de l'histoire, trop simple pour être crédible.
Il y a cependant quelques jolis moments dans le film, qui méritent qu'on aille les voir: quand Grace répète une scène de PAS DE PRINTEMPS POUR MARNIE seule dans sa chambre; quand elle va prendre l'air au volant de sa décapotable, dans une scène calquée sur celle de LA MAIN AU COLLET avec Cary Grant; ou quand elle décide de suivre des leçons de français et d'expression corporelle, comme l'actrice qu'elle fut quelques années plus tôt...
''Je voulais avant tout faire un film sur une femme qui est une artiste et qui va devoir renoncer à une grande partie d’elle-même pour pouvoir rester auprès de sa famille. Ce choix est au cœur du film'', explique Olivier Dahan.
Ce parti pris est tenu, du début à la fin, mais le film manque de souffle et d'émotion, malgré la ''licence poétique'' que s'est autorisé le réalisateur et les libertés qu'il a prises avec la vérité historique.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''La robe rouge de Rosalie est ravissante'' (la phrase que répète Grace pour apprendre à perfectionner son français, et notamment à mieux prononcer les ''r'').

GRACE DE MONACO
(France, 1h43)
Réalisation: Olivier Dahan
Avec Nicole Kidman, Tim Roth, Frank Langella

(Sortie le 14 mai 2014)