POUR UNE FEMME

Album de famille

Mélanie Thierry et Nicolas Duvauchelle, dans le Parc de la Tête d'or à Lyon en 1947 (©EuropaCorp)
Mélanie Thierry et Nicolas Duvauchelle, dans le Parc de la Tête d'or à Lyon en 1947 (©EuropaCorp)

Fille d'immigrés juifs russes qui se sont rencontrés dans un camp d'internement français avant de divorcer quand elle avait six ans, Diane Kurys a souvent plongé dans son histoire personnelle et dans celle de sa famille pour en faire la trame de ses films.

Son premier, DIABOLO MENTHE en 1977, racontait son adolescence. Dans COUP DE FOUDRE en 1983 elle évoquait la rencontre de ses parents et, dans LA BAULE-LES PINS en 1990, leur rupture: Isabelle Huppert puis Nathalie Baye y tenaient le rôle de Léna, sa mère.

Avec POUR UNE FEMME, c'est encore d'eux qu'elle parle. Ici sa mère Léna est interprétée par Mélanie Thierry. Mais pour la première fois elle rend hommage à son père, Michel (Benoît Magimel), qu'elle a peu connu, et ressort de l'album familial le frère de celui-ci, son oncle Jean mystérieux (Dominique Duvauchelle).

Sylvie Testud joue ici le rôle de Diane Kurys elle-même, la narratrice, qui fait une découverte bouleversante, après la mort de sa mère, au début des années 80: une photo retrouvée dans une valise, représentant sa mère, son oncle Jean et sa grande soeur âgée de trois ans.

Elle décide alors d'enquêter et d'écrire un livre sur cette histoire familiale: la rencontre de ses parents, leur installation à Lyon en 1945, la réapparition deux ans plus tard de Jean, que Michel n'avait pas revu depuis neuf ans, les querelles idéologiques des deux frères dans la France de l'après-guerre, et surtout la brève et intense passion entre Léna et Jean.

La réalité est parfois beaucoup plus romantique que la fiction: ''mes parents se sont rencontrés dans un camp d’internement français'', racontait Diane Kurys dans une récente interview. ''En 1942, à la veille du départ des trains pour Auschwitz, mon père a été reconnu et libéré du camp en qualité de soldat français. Il a alors eu un réflexe incroyable: il a demandé s’il pouvait partir avec sa fiancée, alors qu’il ne connaissait absolument pas celle qui est devenue ma mère. Il l’avait repérée parce qu’elle était jolie et il l’a épousée sur place, ce qui l’a sauvée!»

Partant de cette réalité, il restait plein d'autres choses à raconter. La réalisatrice a eu l'idée de ce film ''en tombant par hasard sur une photo au fond d'un tiroir'', dit-elle. ''J'ai compris que j'avais envie de me replonger dans mon enfance et dans l'histoire de ma famille: je me suis rendu compte qu'on a beau avoir déjà fouillé, on n'a jamais tout compris''.

Alors, fiction autobiographique ou autobiographie romancée, quelle est la part de vrai et la part d'imagination dans POUR UNE FEMME? ''Je ne sais pas. Je suis partie de personnages qui ont existé mais que j'ai totalement réinventés en leur donnant des objectifs, des désirs et des sentiments qui sont le fruit de mon imagination. Du coup, tout est vrai et rien ne l'est''.

Soigneuse reconstitution historique de deux époques (les années 50 et les années 80), mélange de suspense familial et d'histoires d'amour passionnelles, POUR UNE FEMME a un petit air de déjà vu. Diane Kurys y prouve une nouvelle fois sa maîtrise pour la direction d'acteurs, tous impeccables et qui font la chair de ce scénario un peu cousu de fil blanc: Benoît Magimel, Mélanie Thierry, Nicolas Duvauchelle, Sylvie Testud, Denis Podalydès, Julie Ferrier, Clothilde Hesme et Clément Sibony.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

''Il y a des bêtises qu'on regrette de ne pas avoir faites''. (Clothilde Hesme à Mélanie Laurent, avant que celle-ci n'aille rejoindre son amant).

 

POUR UNE FEMME

(France, 1h50)

Réalisation: Diane Kurys

Avec Benoît Magimel, Mélanie Thierry, Dominique Duvauchelle

(Sortie le 3 juillet 2013)