MON NINJA ET MOI

Enfants de tous pays

Alex et son nouvel ami, le Ninja qui parle, vont s'aider mutuellement (©Alba Films).
Alex et son nouvel ami, le Ninja qui parle, vont s'aider mutuellement (©Alba Films).

L'exploitation des enfants en Asie: ce sujet grave est abordé, entre autres, dans un dessin animé danois qui allie le sérieux et le divertissement, les moments de réflexion et les séquences humoristiques, MON NINJA ET MOI.

Le film commence dans un hangar de Thaïlande où des enfants, régulièrement frappés à coups de bâtons, fabriquent à la chaîne des poupées ninjas. L'importateur norvégien de ces jouets, un certain Phillip Eppermint, mèche blonde et air méprisant, visite le hangar et, mécontent, tabasse à mort un des gamins-esclaves.

Celui-ci a eu le temps, avant de mourir, de fabriquer une dernière poupée ninja, mais avec comme tissu l'écharpe à carreaux de l'industriel. À la faveur d'un orage et à l'insu de tous, le Ninja prend vie et, clandestinement, se retrouve sur un bateau en route pour l'Europe, emportant avec lui la carte de crédit du méchant Eppermint.

Sur le bateau, il est récupéré par un vieil alcoolique danois qui rentre de ses vacances en Thaïlande et qui va le donner en cadeau d'anniversaire à son neveu Alex, un élève de 5ème âgé de 13 ans. Le jeune garçon ne va pas tarder à s'apercevoir que son nouveau jouet s'anime et qu'il parle.

Alex, doux et intelligent mais timide et peu sûr de lui, vit dans une famille recomposée où Sean, le fils abruti de son beau-père, le persécute. Et à l'école ce n'est pas mieux: il a le béguin pour la jolie Jessica mais n'ose pas le lui avouer, et il subit les humiliations et le harcèlement quotidien de Glenn, la brute du collège.

Mais tout va changer grâce à son Ninja parleur: "Sois tu subis tes problèmes, sois tu les affrontes", lui dit son nouvel ami, qui va lui apprendre à devenir plus fort et plus habile, à maîtriser les arts martiaux, à faire preuve de courage, à ne plus avoir peur –tout cela pour approcher Jessica, remettre Sean à sa place et rembarrer Glenn. En échange, le Ninja veut qu'Alex l'aide à retrouver Phillip Eppermint, pour se venger…

Les enfants vont-ils aider le cinéma français à retrouver cet été ses spectateurs après trois mois de fermeture des salles pour cause de coronavirus? Après NOUS, LES CHIENS et SCOOBY!, voici un troisième dessin animé familial auquel les parents peuvent amener leur progéniture. Mais après les chiens, abandonnés ou pas, ici le sort des enfants-esclaves en Asie incite à conseiller le film aux plus de 8 ans.

Car, entre deux gags et répliques humoristiques, il y a une bonne dose de noirceur et de sérieux dans ce MON NINJA ET MOI, avec des allusions au monde moderne et des séquences qui ne prêtent pas à rire: un enfant frappé à mort dans le hangar thaïlandais, Alex brièvement interné dans un hôpital psychiatrique, des enfants qui prévoient d'aller à une manifestation pour le climat, la maman qui cuisine des cookies sans gluten, l'oncle alcoolique qui n'hésite pas à mettre des mains aux fesses ("On n'a plus le droit de faire ça, maintenant. Hashtag MeToo!", ricane-t-il), un trafiquant de drogue qui sévit dans les quartiers de la petite ville danoise...

Même le Ninja, qui cherche à se venger, a parfois des attitudes et des paroles inquiétantes. Moralisateur, autoritaire, manipulateur: ce n'est pas une gentille peluche, c'est pour Alex davantage un prof de courage et un coach d'endurcissement qu'un ami docile et doux. Et surtout, la poupée vivante, incarnation de l'esprit d'un Ninja vieux de cinq siècles, cherche à punir le méchant magnat du jouet pour venger les enfants victimes d’injustice.

Enfants esclaves, familles recomposées, harcèlement scolaire, passage de l'enfance à l'adolescence: c'est la toile de fond de l'histoire. Mais cela reste un agréable dessin animé familial, pour grands enfants et adolescents, drôle et rythmé, plein de suspense et parsemé de scènes d'humour et de dialogues rigolos, la plupart du temps à mettre au crédit du Ninja à carreaux ("Espèce de déchet non recyclable!", "Tu ne serais pas un peu mono-neuronal, toi?").

Le film dénonce l'attitude de ceux qui font du mal en arguant: "Si je ne le fais pas, quelqu'un d'autre le fera à ma place, de toute façon". À ce cynisme moderne, MON NINJA ET MOI –qui, à sa sortie au Danemark en décembre 2018, a attiré 950.000 spectateurs, un record pour un film d’animation dans ce pays– oppose la fraîcheur et la candeur des enfants, partout dans le monde, en Thaïlande comme au Danemark. "Le message du film est qu’il faut toujours donner le meilleur de soi-même, croire en soi, et toujours penser que le bien vaincra et de ne jamais abandonner cette idée", dit Anders Matthesen, l'un des deux co-réalisateurs avec Thorbjørn Christoffersen.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"C'est normal, en Thaïlande, que les enfants travaillent" (le méchant importateur de jouets, au début du film).

 

MON NINJA ET MOI

("Ternet Ninja") (Danemark, 1h21)

Réalisation: Anders Matthesen et Thorbjørn Christoffersen

(Animation)

(Sortie le 15 juillet 2020)