LES ÂMES VAGABONDES

Tempête sous un crâne

(©Metropolitan FilmExport)
(©Metropolitan FilmExport)

Après les vampires et les loups-garous, voici les âmes extraterrestres. Auteure à succès des quatre livres de la série Twilight (116 millions d'exemplaires vendus) qui ont donné cinq films, la romancière américaine Stephenie Meyer, 39 ans, remet ça: elle a coproduit et supervisé pour le cinéma l'adaptation de son livre Les âmes vagabondes, paru en 2008.

C'est un roman de science-fiction pour adultes, mais qui plaira aux ados. La Terre a été colonisée par les Âmes, une espèce extraterrestre qui pénètre le corps des humains et efface leur esprit, leurs sentiments et leur mémoire, transformant leur corps en hôtes pour ces voyageurs interplanétaires (le titre original du livre et du film est THE HOST).

Les Âmes ont donc fait de la planète un monde parfait, sain, sûr, pacifique, sans pollution, où la faim, la maladie, la peur ou la violence ont été éradiquées, où plus personne ne ment, ne triche ou ne vole: la Suisse, mais en mieux.

On reconnaît les corps humains possédés par ces âmes à la pupille de leurs yeux: elle est claire (dans TWILIGHT les pupilles des vampires était rouge). Pour la plupart des acteurs du film, une paire de lentilles de contact a donc été le principal outil de travail.

Mais certains humains résistent. Ils ne sont pas morts, leurs corps n'a pas été envahi par une âme étrangère, ils ont des yeux normaux et quand ils sortent dehors portent des lunettes noires –il y a mieux pour passer inaperçu, mais bon...

Mélanie est l'une de ces résistantes. Mais à moitié seulement. Les extraterrestres ont réussi à lui greffer une âme venue d'ailleurs, et l'on rebaptisée Vagabonde. Mais une partie de son cerveau continue de s'opposer à cette invasion intime. Tout au long du film, Vagabonde agit et parle comme une alien mais on entend donc, en voix off, sa voix d'humaine (Mélanie) résister –et dialoguer avec elle-même.

Vagabonde et Mélanie. Deux personnalités dans le même corps. En langage courant, on appelle ça tempête sous un crâne. Si les symptômes persistent, consultez votre médecin: en psychiatrie on appelle ça schizophrénie...

Un soir, Vagabonde/Mélanie s'échappe du bâtiment où les extraterrestres lui ont greffé son âme exogène et la questionnent pour savoir s'il lui reste des souvenirs. Elle s'enfuie, et parvient à rejoindre ses proches, cachés dans des grottes en plein désert d'Arizona comme des talibans au fin fond des montagnes afghanes.

Là, son petit frère de 11 ans, son petit ami Jared, ses proches et ses amis et toute une armée secrète se cachent, sous l'autorité de son oncle Jeb (William Hurt), barbe et catogan, foulard autour du cou et allure de vieux cowboy. Vagabonde/Mélanie se sait traquée par les Âmes, à la tête desquelles la redoutable chef baptisée Traqueuse (Diane Kruger) veut non seulement la retrouver mais aussi débusquer les résistants dans leur cachette.

Mais surtout, Vagabonde ne révèle pas à ses proches que Mélanie existe toujours en elle. Considérée comme une ennemie extraterrestre aux pupilles claires qui a pris possession du corps de Mélanie, la jeune femme est d'abord repoussée et menacée par les résistants, puis protégée par Jared et oncle Jeb.

Et c'est là que surgit l'originalité, incroyablement romantique, du livre et du film: Mélanie (à l'intérieur) retombe amoureuse de Jared. Mais le corps de Vagabonde tombe amoureux de son meilleur ami, Ian. Quand Jared embrasse Vagabonde (pour savoir s'il reste du Mélanie à l'intérieur), Mélanie est jalouse et se sent trompée. Et quand c'est Ian qui l'embrasse, Vagabonde (à l'extérieur) approuve mais Mélanie (à l'intérieur) désapprouve. Vous suivez?...

L'amour est-il un sentiment intellectuel ou une attirance physique? Y a-t-il un côté rebelle en chacun d'entre nous, qui nous pousse à ''penser contre nous-même''? Un monde trop parfait est-il meilleur que celui dans lequel nous vivons? Les armes les plus efficaces pour capturer une âme ne sont-elles pas la gentillesse et l'amour (c'est physiquement démontré, en fin de film) plutôt que la force et la contrainte? Autant de questions très philosophiques que soulève cet ingénieux film de science-fiction, entre scènes de suspense et moments romantiques, en une espèce d'éloge tranquille de la schizophrénie...

Sephenie Meyer a choisi, pour adapter son livre, le réalisateur néo-zélandais Andrew Niccol, dont le premier film, BIENVENUE À GATTACA (1997), avec Ethan Hawke et Urman Thurman, évoluait déjà en pleine science-fiction. Il a, ensuite, réalisé SIMONE (2002) avec Al Pacino et Catherine Keener, LORD OF WAR (2005) avec Nicolas Cage, et TIME OUT (2011) avec Justin Timberlake et Amanda Seyfried. Il a aussi écrit les scénarios de THE TRUMAN SHOW (1998), de Peter Weir avec Jim Carrey, et LE TERMINAL (2004), de Steven Spielberg avec Tom Hanks.

Si l'on retrouve avec plaisir William Hurt en patriarche tranquille et déterminé dans LES ÂMES VAGABONDES, la révélation du film est la jeune actrice irlandaise quasi-inconnue au prénom imprononçable Saoirse Ronan (en fait, ça se prononce ''sear-sha''), dans le rôle de Vagabonde/Mélanie, jolie rousse au teint pâle et aux yeux clairs –avec ou sans lentilles de contact.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

''Embrasse-moi comme si tu voulais être giflé'' (Vagabonde à Ian, pour faire réagir Mélanie à l'intérieur d'elle-même).

 

LES ÂMES VAGABONDES

(''The Host'') (États-Unis, 2h04)

Réalisation: Andrew Niccol

Avec Saoirse Ronan, Diane Kruger, William Hurt

(Sortie le 17 avril 2013)