Les Visiteurs ratent leur Révolution
"Ils sont revenus les malades!". Vingt-trois ans, une suite, une adaptation américaine et plus de 20 millions d'entrées après leurs débuts, Godefroy de Montmirail et son fidèle écuyer Jacquouille la Fripouille sont de retour dans LES VISITEURS - LA RÉVOLUTION.
C'est un monument du cinéma français qui revient, il suffit de chercher dans son entourage une personne qui n'a jamais vu LES VISITEURS (1993) pour s'en rendre compte. Avec par conséquent un mélange d'excitation et d'appréhension.
Le duo Jean Reno et Christian Clavier mené par Jean-Marie Poiré est devenu tellement classique qu'on était impatient de le retrouver. Mais le côté "réchauffé" laissait craindre un échec. Crainte renforcée par le fait que la production a décidé de ne laisser qu'une petite minorité de critiques voir le film avant sa sortie.
Le risque avec ce genre de suite est de se contenter d'exploiter les aspects cultes. Et, malheureusement, LES VISITEURS - LA RÉVOLUTION tombe allègrement dedans. Certes pendant les premiers instants, on se plait à retrouver les "Messire!" suppliants de Jacquouille et les expressions belliqueuses du Hardi sous son heaume, sur la bande-originale si reconnaissable. Mais ça, c'était avant la Révolution.
Après avoir bu une potion frelatée à la fin du deuxième épisode LES COULOIRS DU TEMPS (1998), Godefroy et Jacquouille ont été propulsés en pleine Terreur (1793). Là où les "gueux" deviennent les seigneurs et où la monarchie si chère au chevalier s'effondre. Godefroy est consterné par la chute de la royauté et par cette nouvelle noblesse de "couards" qui a remisé sa cotte de maille au profit de la dentelle. Jacquouille semble découvrir l'égalité alors qu'on l'entendait déjà crier "Vive la Révolution!" dans le premier film.
Sur le même modèle que les deux précédents épisodes, Godefroy rencontre sa descendance: Gonzague, Adélaïde et Robert de Montmirail (Franck Dubosc, Karin Viard et Alex Lutz). Jacquouille tombe quant à lui sur son "fillot" Jacquouillet, accusateur public sous la Révolution (tous deux interprétés par Christian Clavier).
Seulement, si cette opposition de mondes a un potentiel comique, elle est bien moins efficace que lorsqu'elle avait eu lieu à l'époque contemporaine. Et à la place d'une Valérie Lemercier ou d'une Muriel Robin qui incarnaient la bourgeoisie vieille France, on se retrouve avec une accumulation de personnages (certes plutôt bien interprétés) qui passent leur temps à suffoquer sous leurs perruques face à l'odeur des deux médiévaux.
De même leur langage "françois" est exploité au-delà du raisonnable et ces gags -qui font sourire par nostalgie sans vraiment faire rire- s'enchaînent pendant de longues minutes au détriment du scénario qui ne démarre pas. Il faut attendre une heure pour que Les Visiteurs envisagent la nécessité de retourner dans leur époque.
En définitif, ce troisième épisode ne révolutionne rien du tout et se contente de surfer sur les ingrédients qui ont fait le succès des deux précédents, sans réussir, de loin, à s'en approcher faute d'une bonne recette à la base. Et si la fin laisse envisager une quatrième tentative, le résultat -fade- rend cela difficile à croire.
Victor Lefebvre
LA PHRASE
"Vous n'êtes que des bourses molles!" (Jean Reno, à sa descendance).
(France, 1h50)
Réalisation: Jean-Marie Poiré
Avec Jean Reno, Christian Clavier, Franck Dubosc
(Sortie le 6 avril 2016)