Une femme, une voix
"On est la moitié de l'humanité, et vous ne nous arrêtez pas". Dans le film LES SUFFRAGETTES (ce mercredi 18 novembre sur les écrans français), la réalisatrice britannique Sarah Gavron raconte le combat des militantes féministes qui, au début du XXe siècle au Royaume-Uni, se battirent pour le droit de vote des femmes, étape du long chemin -encore inachevé- de l'égalité entre les deux sexes.
Les femmes ont le droit de vote en France depuis 1944. Au Royaume-Uni, c'est en 1918 qu'elles obtinrent ce droit, conquis de haute lutte. L'une des pionnières de ce combat fut Emmeline Pankhurst qui, il y a plus d'un siècle, fonda avec ses filles l'Union féminine sociale et politique. Le personnage est interprété dans le film par Meryl Streep, en toile de fond d'une histoire plus personnelle.
Le film se concentre sur Maud (Carey Muligan), une jeune femme mariée, mère d'un petit garçon, qui travaille dans une blanchisserie et se retrouve mêlée au combat d'un groupe de femmes décidées à faire entendre leur voix. Cet engagement ne sera pas sans conséquence sur sa vie privée, son mari (interprété par Ben Wishaw, qui joue Q dans les derniers JAMES BOND) étant affecté par les ennuis que la jeune femme va endurer.
Car, à l'époque, la police, la presse et la classe politique n'entendaient pas d'une bonne oreille les militantes féministes. Dans les deux décennies qui ont précédé la guerre, celles que les journaux avaient surnommé "les suffragettes" décidèrent même d'utiliser des moyens violents pour se faire entendre: certes elles ne se faisaient pas exploser près d'un stade ou n'abattaient pas par balles des dizaines de personnes dans des salles de spectacle ou à la terrasse de cafés, mais elles coupaient des fils de téléphone, brisaient des vitrines à coups de pierre, faisaient sauter des boîtes aux lettres, déposaient des bombes dans la résidence secondaire (vide) du Premier ministre.
"Le terme suffragette a été inventé par la presse britannique pour tourner en dérision les activistes du mouvement en faveur du suffrage des femmes, mais celles-ci se le sont approprié. Les suffragettes perturbaient les communications en sabotant les lignes télégraphiques ou en faisant exploser les boîtes aux lettres publiques, mais également en s’attaquant aux biens. Elles ont été emprisonnées et ont entamé des grèves de la faim pour faire connaître leur combat pour l’égalité face à un État de plus en plus répressif. J’étais stupéfaite que cette extraordinaire et poignante histoire n’ait jamais été racontée", explique la réalisatrice Sarah Gavron, dont c'est le deuxième film après RENDEZ-VOUS À BRICK LANE (2007), histoire d'une jeune fille du Bangladesh qui débarque à Londres pour épouser un homme plus âgé.
Carey Muligan est très convaincante dans le rôle de cette ouvrière, bonne épouse, bonne mère, qui se retrouve militante presque contre son gré. Le personnage est choisi pour attirer les faveurs du spectateur (cela aurait moins bien marché avec une lesbienne célibataire riche bourgeoise oisive), l'accent étant mis sur la condition sociale des femmes à l'époque, avec des personnages masculins pas vraiment à leur avantage.
C'est un film militant, féministe, engagé, mais pas caricatural et qui raconte sans exagération, avec ce qu'il faut d'émotion, ce morceau de l'histoire de la Grande-Bretagne -et de la société occidentale plus généralement- qui rappelle que l'égalité des sexes, pas encore entièrement acquise, est un combat qui est parti de loin.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Pour que je respecte la loi, il faudrait que la loi soit respectable" (une suffragette lançant des pierres dans une vitrine, au début du film).
("Suffragette") (Grande-Bretagne, 1h46)
Réalisation: Sarah Gavron
Avec Carey Mulligan, Helena Bonham Carter, Meryl Streep
(Sortie le 18 novembre 2015)