La pluie, la nuit, un suicide. Puis une très jeune femme nue, en chaussures à talons, qui marche dans les rues désertes, l'air hagard...
Les premières images du dernier film de Claire Denis sont sombres, et ça ne s'éclairera pas plus dans l'heure et demie qui suivra. Atmosphères troubles, images dans la pénombre, mystères et ellipses, scènes qu'on ne comprend pas tout de suite: le spectateur est plongé dès le début dans un film qui restera singulier jusqu'au bout.
Commandant d'un superpétrolier, Marco Silvestri (Vincent Lindon) rentre d'urgence à Paris pour soutenir sa soeur Sandra (Julie Bataille), aux abois: son mari vient de se suicider, sa fille unique (Lola Créton) est à la dérive, son entreprise est en faillite...
''Vous êtes seule. Vous êtes, dans cette histoire, totalement seule'', dit à Sandra son avocat (joué ici par une des stars du barreau, Eric Dupont-Moretti). Elle fait donc appel à son frère, pour la tirer d'affaire.
Parmi les responsables de son malheur, elle lui désigne un riche industriel, Edouard Laporte (Michel Subor), qui a ruiné son mari et l'a --peut-être-- conduit au suicide.
Par désir de vengeance –on ne sait pas trop--, Vincent loue un appartement vide au-dessus de celui de cet homme d'affaires, dans un quartier chic de Paris. Il va vite faire connaissance avec la maîtresse de celui-ci, Raphaëlle (Chiara Mastroianni), qui a un jeune fils. Mais il va aussi découvrir, dans sa propre famille, des secrets qui vont lui tomber dessus comme une armoire bretonne...
Le sexe, toujours très présent dans les films de Claire Denis depuis CHOCOLAT en 1988, est ici une des composantes –et dans plusieurs directions de l'histoire-- d'un scénario sombre et torturé.
Contrairement aux apparences, LES SALAUDS n'est un film noir que vers la fin, quand le suspense (mais les dernières images vidéo n'étaient pas indispensables, peut-être) prend le pas sur une étude de moeurs plus diffuse, plus confuse, plus mystérieuse. Les salauds? Ces riches et puissants qui croient que l'argent et le pouvoir leur ouvrent toutes les portes, même les plus sordides.
Dans cette atmosphère glauque, Vincent Lindon apparaît comme la seule lueur, au début: l'homme solide, droit, généreux, qui veut aider sa famille et faire le bien. Jusqu'à ce qu'il soit emporté par l'inattendu, l'inavoué, l'insoupçonné...
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Qu'est-ce qu'elle a de si génial, ta vie?'' (Vincent Lindon à Chiara Mastroianni).

LES SALAUDS
(France, 1h40)
Réalisation: Claire Denis
Avec Vincent Lindon, Chiara Mastroianni, Julie Bataille
(Sortie le 7 août 2013)