Chagrin d'amour
Dans LA VIE D'ADÈLE, Palme d'or du dernier Festival de Cannes, il est question d'amour. Et de chagrin d'amour. Adèle, jeune lycéenne de 15 ans, en Première dans un lycée de Lille, découvre la
sexualité, la passion, l'amour.
Elle se cherche, elle ne sait pas encore de quoi sera faite sa vie. Elle couche avec un garçon de sa classe, mais ce n'est pas terrible. ''Il me manque quelque chose'', dit-elle à son meilleur
copain, un confident.
Et puis, un jour, elle fait une rencontre. C'est le coup de foudre, son nouvel amour –un peu plus âgé qu'elle, en quatrième année des Beaux-Arts-- va l'initier au plaisir physique, va lui
apprendre la vie, va lui faire connaître les joies de la vie à deux. Puis la douleur de la séparation, le chagrin, la jalousie...
Pendant tous ces mois d'initiation, Adèle aura beaucoup appris. Sur elle-même, sur l'amour, mais aussi sur ce qu'elle veut faire de sa vie: institutrice, elle est passionnée par l'idée de
transmettre le savoir aux jeunes enfants. Ses déboires sentimentaux, les difficultés de sa vie privée ne l'empêcheront pas de continuer sur la même voie, de faire son métier avec
dévouement.
''Je suis très admiratif du personnage d’Adèle, de cette femme libre, effectivement courageuse, dévouée, forte'', dit le réalisateur, Abdellatif Kechiche. ''Adèle est dévastée par la douleur,
mais à aucun moment elle n’abdique quand il s’agit de son travail d’institutrice. Elle tient le coup. Quand j’observe chez un être, quel qu’il soit, un tel courage, oui, ça me trouble''.
Le réalisateur franco-tunisien explique qu'il avait l'idée d'un tel scénario depuis son film L'ESQUIVE (2003), qui lui valut ses premiers César. ''Je trouve extrêmement respectable et légitime la
notion de vocation, et ce, d’autant plus lorsque ce sont des vocations anonymes, des vocations pleines d’abnégation, qui ne cherchent pas la reconnaissance des autres. Je suis plein d’admiration
pour ça, ces institutrices, ces profs qui sont passionnés par le résultat de leurs élèves'', dit-il.
Il a mélangé ce scénario avec la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude. LA VIE D'ADÈLE est donc l'histoire d'une jeune femme qui construit sa vie, doublée d'une histoire d'amour
dont on sait, comme dit la chanson, qu'elles finissent mal –en général.
Ah oui, un détail: l'histoire d'amour en question est celle de deux femmes, Adèle (Adèle Exarchopoulos) et Emma (Léa Seydoux). Les scènes d'amour physique des deux jeunes actrices ont beaucoup
fait parler, à Cannes. Elles sont nombreuses, très réalistes, un peu répétitives. On veut croire que ce n'est pas seulement à cause de cela que le film a reçu la Palme d'or.
La récompense, attribuée le jour de la dernière grande manifestation contre la loi sur le ''mariage pour tous'', dimanche 26 mai, a donné –notamment sur les réseaux sociaux-- une connotation
Palme LGBT au film et au palmarès. On veut croire que le jury présidé par Steven Spielberg était
au-dessus de tout cela.
Et puis les deux actrices ont beaucoup évoqué, ces dernières semaines dans la presse, les conditions difficiles du tournage. La polémique bat son plein avec le réalisateur, aux méthodes présumées
tyranniques –et selon toute vraisemblance, les trois ne passeront pas leurs prochaines vacances ensemble. On veut croire que ce n'est pas, en fin de compte, ce que retiendront les spectateurs de
ce film fort, long, passionné et remarquablement interprété.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Dans la cuisine, maman épluche un oignon''. (Une phrase de la dictée qu'Adèle fait faire à ses élèves).
LA VIE D'ADÈLE, CHAPITRES 1 ET 2
(France, 2h55)
Réalisation: Abdellatif Kechiche
Avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Salim Kechiouche
(Sortie 9 octobre 2013)