LA GRANDE AVENTURE LEGO

Ça casse des briques

Emmet et ses copains: ''et s'il le faut j'emploierai des moyens Lego'' (©Warner)
Emmet et ses copains: ''et s'il le faut j'emploierai des moyens Lego'' (©Warner)

C'est fou ce qu'on peut fabriquer avec des Lego: des maisons, des avions, des fusées, des voitures et des camions, des châteaux et des forteresses. Et même un film.
Les studios Warner se sont associés au groupe danois Lego, créé en 1949, pour imaginer un long métrage uniquement composé –personnages et décors– des célèbres petites briques de toutes les couleurs et de petites figurines adaptables. C'est une réussite: LA GRANDE AVENTURE LEGO est un film hilarant.
Dès le début, l'humour est grinçant. Emmet est un ouvrier anonyme d'un chantier banal de Bricksburg, noyé dans une société aseptisée et formatée, où le mot d'ordre (et le tube officiel des radios) est ''Tout est super génial!''. La vie, le travail, les loisirs: tout est prévu, tout se ressemble, tout s'emboîte comme des Lego.
A la tête de l'entreprise de construction Octan, et à la tête de toute la société, un dictateur absolu: le Président Business, qui ne tolère aucune contestation, aucune imagination, aucune tête qui dépasse. Il a prévu d'asseoir définitivement son autorité en pulvérisant sur tout le monde le Kragle, une arme redoutable (c'est un tube de colle).
Cachés dans d'autres mondes Lego hors d'atteinte, des personnages résistent, avec à leur tête quelques ''Maîtres Constructeurs''. Ils sont à la recherche du seul moyen de vaincre le Kragle, la ''Pièce de résistance'' (le capuchon du tube de colle).
Quant Emmet, par hasard, un soir après sa journée de travail, fait une chute dans des profondeurs inconnues et se retouve avec cette ''Pièce de résistance'' fixée dans le dos, on le prend pour ''le Spécial'', le sauveur de l'humanité Lego. Le voici donc embarqué dans le camp de la résistance, aux côtés de la jolie petite brune Cool-Tag...
La Warner a confié à Phil Lord et Chris Miller, les réalisateurs en 2009 de TEMPETE DE BOULETTES GÉANTES, les commandes de cette aventure qui a nécessité, selon le studio, 3.863.484 briques de Lego différentes. ''Certaines ont été réutilisées dans plusieurs scènes, pour des décors, des personnages et des accessoires, et le nombre total de briques utilisées dépasse les 15 millions''. Par ailleurs, le film utilise 183 personnages.
Aucune de ces briques et figurines n'existe. Toutes ont été créées par ordinateur, mais comportent ''de subtiles traces d'usure, comme si elles avaient été longuement utilisées par des enfants jouant au Lego'', et non sortant neuves de la boîte, précise la Warner –un détail important pour la fin de l'histoire.
C'est un film pour les enfants (qui jouent avec des Lego ou non) mais aussi pour les adultes (qui y ont joué ou non), tant l'humour y est décapant et le propos parfois subversif. Le scénario est une critique de la société abrutissante et un hommage à l'imagination, à la révolte, à la liberté.
"Il y a deux manières de jouer aux Lego", souligne l'un des deux coréalisateurs, Chris Miller. "La première, c'est de suivre le mode d'emploi et de construire un très bel objet qu'on dépose ensuite sur une étagère et qu'on ne touche plus jamais pour ne pas le casser''.
''La seconde, c'est de partir d'une pile de briques réunies de façon aléatoire et de fabriquer quelque chose en suivant son imagination, puis de le casser pour construire autre chose. L'intrigue de LA GRANDE AVENTURE LEGO s'inspire de ces deux démarches puisqu'il y est question d'innovation, de créativité et de l'importance du changement".
Le rythme du film est complètement fou, et l'irruption de personnages multiples donne lieu à des parodies, des clins d'oeil et des hommages moqueurs à certaines légendes du cinéma: Batman, SuperWoman, les tortues Ninja, Han Solo et l'un des robots de LA GUERRE DES ÉTOILES, Dumbledore d'HARRY POTTER, Gandalf du SEIGNEUR DES ANNEAUX, etc.
Aux figurines Lego déjà existantes (comme Benny l'astronaute, qui date des années 80) s'ajoutent des créations propres au film: outre Emmet et Cool-Tag, il y a un Méchant Flic/Gentil Flic; Vitrivius, un vieux sage post-hippie aveugle et beau parleur; Unikitty, mi-licorne, mi-chaton, adorable mais un peu tendue; Barbe d'Acier, un pirate qui a un requin en guise de bras droit et un canon en guise de bras gauche; et bien sûr ce Batman dont l'image est joyeusement tournée en dérision.
Ce second degré, au-delà d'une publicité géante pour les produits Lego, a beaucoup plu aux critiques et aux spectateurs américains puisque, dès son week-end de sortie outre-Atlantique les 7-8-9 février, ce LEGO MOVIE a remboursé en trois jours son budget estimé de 60 briques ...euh, 60 millions de dollars.
Tout cet humour, toute cette liberté de ton semblent pourtant s'effondrer dans le dernier quart d'heure, celui de l'explication et du retour du film dans le gnan-gnan des habituelles comédies familiales bien-pensantes, formatées, à l'américaine. Avant un dernier clin d'oeil irrésistible, qui rachète en quelques secondes ce moment d'égarement. ''Super géniale'', la fin.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Super génial!'' (Emmet, à tout bout de champ).

LA GRANDE AVENTURE LEGO
(''The Lego Movie'') (États-Unis, 1h40)
Réalisation: Phil Lord et Chris Miller
Avec Will Ferrell
(Animation)
(Sortie le 19 février 2014)