Les quatre saisons
Une jeune fille de 17 ans qui se prostitue par plaisir. Au début, le scénario avait son petit parfum de scandale, propre à accompagner certains films au Festival de Cannes.
Et puis non. Le film de François Ozon n'est pas raccoleur, il fait dans l'intime, voire le délicat. ''Le sujet du film est avant tout: qu'est-ce que c'est que d'avoir 17 ans et de sentir son
corps se transformer?'', dit le réalisateur.
C'est tout? Pas d'autre motivation? A l'instar du synopsis, l'un des plus courts jamais rédigé pour un film, qui tient en une phrase: ''Le portrait d'une jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4
chansons''. Les quatre chansons sont de François Hardy, aussi jolies qu'inutiles, ici.
Pour les saisons, on commence par l'été. Isabelle (la toute jeune Marine Vacth) passe ses vacances dans une maison près de la mer avec ses parents (la très convaincante Géraldine Pailhas et
l'excellent Frédéric Pierrot) et son petit frère d'une dizaine d'années, qui est son confident.
Quelques jours avant son 17e anniversaire, Isabelle perd sa virginité sur la plage avec un petit ami de vacances, un jeune bellâtre roux et allemand. Evidemment, ce n'est pas terrible.
''Alors?'', lui demande son petit frère quand elle rentre à la maison. ''C'est fait'', lui répond-elle calmement.
L'automne. Le lycée. Les copines. Et, via Internet, un beau jour Isabelle devient ''Lea75''. Premier client, dans la chambre 6095 d'un hôtel de luxe. L'homme est doux et poli. Il a plus de 60
ans: ''Oui je sais, j'ai menti sur mon âge. Tout le monde fait ça, non?'', dit-il.
Elle aussi a menti sur son âge, affirmant qu'elle est majeure. Alors qu'elle ne manque ni d'amour dans sa famille, ni d'argent, ni d'amis, Isabelle va continuer. Voir des hommes différents, de
plus en plus nombreux. Revoir son premier client âgé.
Ses tarifs passent de 300 à 500 euros. Elle est devenue triste, irritable. Mais personne ne sait, ni ses amis, ni sa famille. Jusqu'au jour où...
Pourquoi fait-elle cela? ''Elle ne se prostitue pas pour survivre ou payer ses études, mais parce qu'elle en ressent un besoin viscéral'', dit François Ozon. ''Elle aurait pu aussi bien se droguer ou être anorexique, l'essentiel était que ce soit secret, clandestin, interdit''.
Le réalisateur poursuit son explication: ''L'adolescence est une période de friche où tout est possible. C'est ça qui est aussi exaltant, et que l'on ressent dans le poème de Rimbaud On n'est pas sérieux quand on a 17 ans. Il y a une ouverture au monde, sans considérations
morales. En se prostituant, Isabelle fait une expérience, un voyage, qui n'est pas pour autant une perversion''.
Pour ce rôle difficile, François Ozon a choisi Marine Vacth, 23 ans, mannequin devenue actrice et, à ce titre, révélation du
dernier Festival de Cannes (où le film était en compétition). Elle est très jeune et très jolie, traits fins, tâches de rousseur et corps parfait, qu'on voit nu très souvent mais sans vulgarité.
Pour ces scènes de sexualité, ''l'idée était d'être assez réaliste , mais pas dégradant ni sordide'', dit le réalisateur. ''Je ne voulais pas porter de jugement moral''.
Ce n'est donc pas un film à message, ça ne prétend pas montrer un phénomène de société, c'est juste une histoire de ''jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons''.
La fin est assez jolie, avec une apparition de Charlotte Rampling. Et Marine Vacth n'est pas seulement une belle fille au corps de liane, elle montre déjà des talents d'actrice, comme dans cette
séance chez le psy où une larme coule lentement sur sa joue gauche.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Au début, ça m'a dégoûtée. Mais ensuite j'ai eu envie de continuer'' (La déposition de la jeune fille à la police des mineurs).
JEUNE & JOLIE
(France, 1h34)
Réalisation: François Ozon
Avec Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot
(Sortie le 21 août 2013)