Le loser barbu et le chat roux
Aucun de leurs films ne ressemble au précédent, mais les frères Coen ont quand même un petit faible pour les losers, qu'ils soient grandioses ou pathétiques, gentils ou antipathiques.
BARTON FINK, THE BIG LEBOWSKI, FARGO, A SERIOUS MAN, etc.: la chaîne de télé Arte, qui diffuse en ce moment plusieurs de leurs films, s'est amusée sur son site internet à inventer un test de
personnalité intitulé ''Quel loser êtes-vous?''
Un nouveau personnage va s'ajouter à la gallerie: celui d'INSIDE LLEWYN DAVIS, leur nouveau film qui a reçu le Grand Prix du dernier Festival de Cannes, soit la récompense n°2 du palmarès juste derrière la Palme d'or.
On est à Greenwich Village, au début des années 60. ''Inside Llewyn Davis'' est le titre du premier disque solo que le chanteur du même nom a enregistré depuis le suicide de son
partenaire. Mais le disque ne se vend pas, et la carrière de Llewyn Davis ne décolle pas.
Alors le chanteur se traîne, squatte le canapé ou l'appartement de copains, de petites amies, de couples d'amis, de sa soeur. Il passe de temps en temps au Gaslight Café, un petit cabaret pour
amateurs de folk et de country, sans déclencher la passion des foules.
Un jour, en quittant l'appartement d'amis qui le logeaient, il se retrouve avec leur chat roux, coincé dehors et qu'il ne peut abandonner. Il l'emmène sous le bras, dans le métro, chez d'autres
amis qui veulent bien l'héberger –avec la ferme intention de ramener le félidé à ses propriétaires.
A la recherche de petits contrats, d'engagements temporaires ici ou là, sa guitare sous le bras (l'autre bras, celui qui ne tient pas le chat), il traîne. Quitte momentanément New York pour une
audition à Chicago. Revient en pleine nuit et en pleine tempête de neige. Va voir son père à l'hospice. Se dispute avec sa soeur. Veut se ré-engager dans la marine marchande pour gagner sa vie.
Loser, loser, loser...
Les frères Coen ont reconstitué l'atmosphère des milieux folk et country du Greenwich Village de la fin des années 50, l'époque des Dave Van Ronk, Peter, Paul and Mary, Phil Ochs et autres Joan
Baez, avant l'arrivée d'un petit jeune nommé Bob Dylan.
L'acteur principal, Oscar Isaac, petite barbiche qui lui donne un air de Martin Scorsese jeune, est omniprésent et porte le film
à lui tout seul –avec, quoique moi présent, le chat roux. Comme toujours chez les frères Coen, les seconds rôles (Carrey Mulligan, John Goodman, Justin Timberlake) sont très élaborés.
Mais, malgré quelques fulgurances de mise en scène (le retour à New York sous la neige, la fin du film qui retombe sur ses pattes) et une petite musique mêlant nostalgie et ironie, il ne se passe
pas grand-chose. C'est longuet, on goûte moins les chemins de traverse du scénario –un des points forts de Joel et
Ethan Coen, d'habitude-- et l'on s'ennuie un peu, parfois, dans le sillage de ce loser sympathique mais pas très
enthousiasmant.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
''Ne t'inquiète pas: Llewyn a le chat'' (le message téléphonique que Llewyn Davis laisse à ses amis, en début de film).
INSIDE LLEWYN DAVIS
(États-Unis, 1h45)
Réalisation: Ethan Coen et Joel Coen
Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake
(Sortie le 6 novembre 2013)