Scarlett Johansson, corps et âme
C'est la femme-flic du futur, avec un cerveau humain et un corps artificiel. Et, tant qu'à faire, ce corps synthétique est la parfaite copie de celui de Scarlett Johansson. L'actrice est la cyber-héroïne de GHOST IN THE SHELL, adaptation au cinéma du célèbre manga japonais de science-fiction.
On est dans un futur proche, au cœur d'un Tokyo tentaculaire, dans un monde où la différence entre les humains et les robots est de plus en plus ténue. La criminalité a pris une nouvelle forme: c'est le règne du piratage informatique, dans lequel les hackers peuvent non seulement accéder aux comptes en banque mais aussi au cerveau des êtres humains de plus en plus connectés.
Pour lutter contre les dangereux criminels, le gouvernement a créé la Section-9, une unité d'élite avec à sa tête une femme, que l'on appelle "Le Major". Sauvée d'un terrible accident quand elle était jeune, elle a un corps tout neuf, entièrement synthétique, créé par les scientifiques et doté de capacités cybernétiques.
C'est une arme redoutable, un être humain unique en son genre, que l'on charge d'une nouvelle mission: trouver et neutraliser un puissant et mystérieux pirate informatique qui s'introduit dans les esprits des robots, des mi-humains mi-robots, et même des humains –et prend ainsi le contrôle de leur cerveau, de leur vie privée, de leurs secrets, de leurs souvenirs, de leur comportement.
Mais, alors qu'elle se voue corps et âme à sa mission, Le Major a des flashes de souvenirs, dans son cerveau humain, qui l'intriguent. C'est normal, lui explique sa protectrice, le Dr Ouelet (Juliette Binoche), qui a créé son corps synthétique et la contrôle régulièrement. C'est normal, lui dit aussi son chef, Daisuke Aramaki (le célèbre acteur et réalisateur japonais Takeshi Kitano): "Vous n'êtes pas qu'une arme. Vous avez une âme. Un ghost". Mens sana in corpore sano, ce sont donc ses états d'âme qui vont inciter Le Major, au-delà de sa mission, à rechercher qui elle est vraiment et à s'interroger: lui aurait-on menti sur son passé?...
"Bien qu'il y ait des débats sur l'humanité, la technologie et leur dualité, notre film est avant tout une quête d'identité racontée à la manière d'un roman policier. Le Major cherche à neutraliser un criminel, ce qui la pousse à se demander qui elle est", explique le réalisateur britannique Rupert Sanders, dont c'est le deuxième film après l'étonnant BLANCHE-NEIGE ET LE CHASSEUR en 2012 (avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth et Charlize Theron).
Le film est la première adaptation en prises de vue réelles du célèbre manga japonais
Ghost in the Shell, du dessinateur Masamune Shirow, publié en 1989 et qui a donné lieu à un film d'animation en 1995, à des suites, à des séries télévisées, à des romans et à des jeux vidéo.
Perruque noire, lèvres rouges, absence de sourire, physique de mannequin et démarche de boxeuse: revêtue d'une combinaison en silicone qui donne l'impression qu'elle est nue –mais hélas habillée, la plupart du temps–, Scarlett Johansson est tout aussi volontaire que sexy, forte femme qui ne s'en laisse pas conter (on pense à son personnage dans LUCY) mais dont les états d'âme révèlent une certaine fragilité.
Dans un Tokyo futuriste où règnent les hologrammes géants, où les humains ont quatre petits trous dans la nuque pour se connecter aux divers réseaux (c'est autre chose que Facebook et Twitter…), où les droïdes et cyborgs fument des cigarettes et fréquentent les bars à strip-tease, où les méchants militaro-industriels ont mis la main sur les vrais-faux gentils scientifiques, où téléportation et télépathie sont monnaie courante, il subsiste quand même, entre les bons et les méchants, des duels à l'arme à feu, voire au couteau, et des bagarres à coup de poings.
C'est donc un film d'action, où se mêlent science-fiction et suspense policier, un film qui a deux méchants pour le prix d'un, un film rythmé et bien ficelé, à l'atmosphère sombre et chaotique, qui a des airs de MATRIX et de BLADE RUNNER mais fait aussi penser parfois à ROBOCOP, TERMINATOR, UNIVERSAL SOLDIER, FRANKENSTEIN, LE CINQUIÈME ÉLÉMENT ou AVATAR.
Et c'est aussi un film où l'on philosophe, où l'on réfléchit, où l'on s'interroge: "On s'accroche aux souvenirs comme s'ils nous définissaient. Mais c'est faux. Ce sont nos actes qui nous définissent", dit Juliette Binoche à Scarlett Johansson, sur un ton professoral.
C'est bien sûr la conclusion du réalisateur: "La technologie ne peut tout simplement pas se substituer à l'âme. Notre être existera encore sous une forme ou sous une autre", affirme-t-il. "Le personnage du Major subit une métamorphose subtile au cours de laquelle elle finit par accepter ce qui lui est arrivé, que ce soit positif ou négatif. Il y a là un message très fort que je voulais partager avec le spectateur: nous sommes forgés par notre identité et par les événements que nous vivons, quels qu'ils soient. C'est là notre force et notre pouvoir". Nous voilà rassurés.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"On n'envoie pas un lapin tuer un renard" (Takeshi Kitano, pas le genre à se laisser impressionner par des tueurs).
(États-Unis, 1h46)
Réalisation: Rupert Sanders
Avec Scarlett Johansson, Pilou Asbæk, Michael Pitt
(Sortie le 29 mars 2017)