Bar Mitzvah nouveau genre
Dix ans après l'avoir quittée, une chanteuse transgenre devenue célèbre revient dans sa famille juive pour y retrouver ses racines religieuses: cette histoire a priori sérieuse est traitée sur le ton de la comédie dans le film TRANSMITZVAH (ce mercredi 14 mai sur les écrans), léger et musical.
Le petit Ruben passe une enfance heureuse auprès de ses parents, son grand frère et ses deux tantes à Buenos Aires, dans une famille juive qui tient un grand magasin de vêtements et d'accessoires de mode. Mais le garçon a les cheveux longs, danse habillé en fille et voudrait devenir une chanteuse nommée Mumy Singer: Mumy comme sa grand-mère et Singer comme la machine à coudre.
Refus de Bar Mitzvah
À 13 ans, au grand dam de son père, il annonce son refus de faire sa Bar Mitzvah, passage traditionnel à sa majorité religieuse et, quelques années plus tard, quitte sa famille et sa ville natale pour réaliser son rêve de gloire. Ruben devient Mumy Singer (Penélope Guerrero) et acquiert la célébrité par ses chansons pop en yiddish sur les télés, les réseaux sociaux et les scènes du monde entier.
Mais, après une dizaine d'années, Mumy revient à la maison. Son père, malade, regrette son intolérance passée. Encouragée par son compagnon et impresario Sergio (Gustavo Bassani), un psy, et aidée par son frère Eduardo (Juan Minujin), heureux de ces retrouvailles, Mumy va chercher un rabbin acceptant qu'elle fasse la Bar Mitzvah que le petit Ruben avait refusée: une "transmitzvah"…
Quête d'identité
"TRANSMITZVAH raconte la quête d’identité, qui va bien au-delà des questions de genre. C’est une comédie existentielle et humaine sur le fait de se découvrir soi-même et de découvrir les autres, y compris cet «autre» qui vit en nous et avec lequel nous avons parfois du mal à nous réconcilier", explique Daniel Burman, 51 ans, le réalisateur argentin dont c'est le 11e film depuis 1998.
C'est son premier film depuis 8 ans, après plusieurs séries télé. Ses précédents longs-métrages (dont le plus connu, LE FILS D'ELIAS, Grand prix du jury au Festival de Berlin 2004) étaient souvent marqués par la quête d'identité et les interrogations sur la judéité, comme ce TRANSMITZVAH qui a été présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2024, dans la sélection "Cinéma de la plage".
Racines familiales et religieuses
Davantage que la transition sexuelle, le sujet du film est la recherche de ses racines, familiales et religieuses. L'amour fraternel entre Mumy et son frère occupe une grande place, avec des scènes émouvantes mais dans une atmosphère gaie, parfois burlesque, avec de jolies trouvailles de mise en scène: les clips des chansons de Mumy, ses retrouvailles avec son frère dans le hall d'un hôtel, un jeu de talkies-walkies entre eux dans les rues en pleine nuit, des séquences chantées ou dansées, une rencontre virtuelle entre Sergio et le père de Mumy, un mariage original à Tolède…
Mais le tout est un peu mou, il ne se passe pas grand-chose et entre deux moments guillerets quelques scènes explicatives sont parfois lourdes ou lestées de citations banales ("Pour se retrouver, il faut se perdre dans l'exil"; "C'est en regardant en arrière qu'on va de l'avant"; "On ne limite pas Dieu à des détails"; etc.).
Queue de poisson
La dernière demi-heure n'est pas la partie la plus réussie du film, qui vire au surréalisme voire au fantastique, avec une fin en queue de poisson après une allusion fastidieuse à Abraham Aboulafia, kabbaliste et grande figure du judaïsme médiéval au XIIIe siècle, et à l'expulsion des juifs d'Espagne au XVe siècle.
L'interprète principale, l'actrice transgenre espagnole Penélope Guerrero, 28 ans, qui fait ici ses débuts au cinéma, montre une belle énergie et un sacré caractère. Le réalisateur échoue cependant à rendre son personnage sympathique, ce qui aurait apporté peut-être un côté plus agréable à ce film parfois attachant, humaniste mais pas tout à fait maîtrisé.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Je n'ai pas besoin d'être tolérée. Je ne suis pas du gluten ou du lactose" (Mumy Singer, à un rabbin qui lui explique qu'on tolère son retour dans la communauté juive).
(Argentine, 1h40)
Réalisation: Daniel Burman
Avec Penélope Guerrero, Juan Minujin, Gustavo Bassani
(Sortie le 14 mai 2025)
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