Guérison post-trauma
L'humour est, paraît-il, la politesse du désespoir. On pense un peu à cela en voyant le film canadien SAM FAIT PLUS RIRE (ce mercredi 30 juillet sur les écrans), dans lequel une jeune humoriste essaye de guérir d'un traumatisme subi quelques années auparavant.
Autrefois, Sam (Rachel Sennott), humoriste dans un cabaret de Toronto, aimait rire, trouvait des gags, avait l'avenir devant elle. Pour gagner sa vie, elle était aussi baby-sitter et s'occupait d'une ado de 12 ans, Brooke (Olga Petsa), qui vivait seule avec son père alors que sa mère, gravement malade, était hospitalisée.
Stress post-traumatique
Aujourd'hui, deux ans après, Sam est triste et dépressive, n'a pas envie de retourner sur scène malgré les encouragements de ses deux colocataires (Sabrina Jalees et Caleb Hearon), humoristes comme elle. Elle souffre de troubles du stress post-traumatique (TSPT), après un épisode douloureux de sa vie.
Alors, le jour où elle apprend à la télé que Brooke, maintenant âgée de 14 ans, est portée disparue, son angoisse revient. D'autant que la jeune ado et elle se sont quittées fâchées, alors qu'elle avait jadis gagné sa confiance et son amitié, protectrice en l'absence de sa mère, complice comme une grande sœur…
Présent et passé
Le film alterne le présent et le passé, avec le procédé classique de fréquents retours en arrière. Pendant pas mal de temps l'humour intello et les tourments psychologiques de Sam désarçonnent un peu, voire agacent. Puis à mi-film on comprend enfin quel a été ce traumatisme qui a ébranlé la jeune femme et dont elle essaye de guérir petit à petit, notamment grâce à l'humour, le second degré, l'auto-dérision.
En cela le film est bien construit, et comporte même vers la fin quelques éléments de suspense. Bien sûr l'actrice qui interprète Sam, l'Américaine Rachel Sennott, qui a débuté elle aussi dans le stand-up avant de faire du cinéma, occupe tout le film, souvent avec son regard triste –mais parfois aussi, tout n'est pas sombre dans cette histoire, en retrouvant peu à peu la joie de vivre.
Premier long-métrage
Filmé avec délicatesse, un peu cérébral mais empreint de sincérité, c'est le premier long-métrage de la réalisatrice canadienne Ally Pankiw, 38 ans, qui avait jusqu'alors tourné des clips musicaux, des pubs et des séries télévisées.
Elle a voulu raconter cette histoire de guérison psychique de manière plus féministe que les films qui abordent le sujet, "souvent centrés sur un arc narratif très masculin et conventionnel, celui de la «victoire» pour guérir, que ce soit par la vengeance, la justice ou le châtiment", expliquait-elle dans l'édition canadienne du magazine Elle en août 2024.
Pour elle, "c'est peut-être bénéfique pour le processus de guérison de certaines personnes, mais ce n'est certainement pas la fin du rétablissement de nombreuses femmes. Je voulais parler du calvaire et des détails quotidiens du rétablissement, et de la façon dont le traumatisme se transmet et a des répercussions sur de nombreuses relations interpersonnelles. Ce n'est pas le parcours d'un héros".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"On tourne en rond comme des neurones. Devenons des lignes droites" (phrase dans un livre de développement personne feuilleté par Sam).
("I Used to Be Funny") (Canada, 1h46)
Réalisation: Ally Pankiw
Avec Rachel Sennott, Olga Petsa, Jason Jones
(Sortie le 30 juillet 2025)
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