Biopic atomique
Ce n'est pas INDIANA JONES-5 ou MISSION: IMPOSSIBLE-7, mais c'est l'un des films les plus attendus de l'été, voire de l'année: OPPENHEIMER, le brillant biopic du réalisateur Christopher Nolan sur "le père de la bombe atomique", explose sur les écrans ce mercredi 19 juillet.
"Je voulais plonger le spectateur dans l’esprit et la vie d’un être qui s’est retrouvé à l’épicentre des plus grandes mutations de l’histoire", explique le réalisateur. "Qu’on le veuille ou non, Robert Oppenheimer est la personne la plus importante qui ait jamais vécu. Il a façonné le monde dans lequel nous vivons, pour le meilleur et pour le pire. Et il faut se plonger dans son parcours pour y croire".
Le film, somptueux, raconte comment le physicien Robert Oppenheimer (1904-1967) fut nommé directeur scientifique du "Projet Manhattan" en 1942 dans une course de vitesse contre les Nazis et les Soviétiques pour créer la première bombe atomique, qui fut utilisée à Hiroshima et à Nagasaki les 6 et 9 août 1945.
Lui et la bombe
C'est l'acteur irlandais Cillian Murphy qui interprète le rôle principal dans ce film qui raconte en parallèle une partie de la vie d'Oppenheimer et le Projet Manhattan: c'est lui et la bombe.
Lui –et c'est la partie la plus fournie du film–, ce sont les accusations portées, après-guerre, contre le scientifique à cause de ses sympathies passées pour le communisme et ses réticences à la course à l'armement nucléaire. En pleine période de maccarthysme, il fera l'objet d'une "audition de sécurité" en 1954, avant d'être réhabilité plusieurs années plus tard.
Robert Downey Jr. crève l'écran
Le personnage de Lewis Strauss (Robert Downey Jr.), fondateur de la Commission à l’Énergie Atomique des États-Unis et acteur majeur de la politique nucléaire américaine de l’après-guerre, est capital dans cette période de la vie d'Oppenheimer. Sa vision des choses est filmée en noir-et-blanc, alors que le reste du film est en couleur, et Robert Downey Jr. crève l'écran dans la dernière heure du film.
Le film évoque également les études et l'ascension du jeune Oppenheimer, à Cambridge, aux Pays-Bas, en Allemagne, notamment sa rencontre avec le physicien Niels Bohr, prix Nobel de physique 1922 (Kenneth Branagh).
Vie privée
Il est aussi question de la vie privée d'Oppenheimer, homme à femmes, de sa liaison passionnée avec la psychiatre et militante communiste Jean Tatlock (Florence Pugh) à sa rencontre et son mariage avec Kitty Puening (Emily Blunt), biologiste et botaniste, elle aussi militante communiste, avec qui il aura deux enfants.
Lui et la bombe. La partie la plus passionnante du film est celle qui raconte ce fameux Projet Manhattan, conduit dans la ville de Los Alamos créée de toutes pièces dans le désert du Nouveau-Mexique. C'est l'occasion des trois séquences les plus fortes du film.
Dialogues superbes
La première est la rencontre avec le général Leslie Groves (Matt Damon), directeur militaire du Projet Manhattan, qui décide d'en nommer Oppenheimer directeur scientifique, malgré les sympathies communistes de celui-ci. Les dialogues entre les deux hommes –et tout au long du film– sont superbes.
Autre scène forte, l’essai atomique Trinity, nom de code du premier essai d'une arme nucléaire jamais réalisé: le 16 juillet 1945, pour valider la bombe A qui explosera sur Hiroshima et Nagasaki. Et la troisième séquence remplie d'émotion est le court discours d'Oppenheimer à Los Alamos, juste après Hiroshima.
Le 12e film de Christopher Nolan
OPPENHEIMER, qui dure trois heures, est 12e film de Christopher Nolan et peut-être le meilleur. Le réalisateur britannique de 52 ans s'était fait connaître avec son deuxième film en 2000, le très original et tortueux MEMENTO, avant la trilogie BATMAN/THE DARK KNIGHT (2005, 2008, 2012, avec Christian Bale dans le rôle principal), le très sophistiqué INCEPTION, le très galactique INTERSTELLAR, le très émouvant DUNKERQUE et le très abscons TENET.
Dans OPPENHEIMER, il entremêle avec brio et une maîtrise impressionnante le portrait du physicien et l'histoire de sa bombe. Retours en arrière, ellipses, couleur et noir-et-blanc, acteurs brillants, montage intelligent, désynchronisation son/image dans les scènes fortes: ce film, c'est de la bombe! Avec, en prime, une dernière scène poignante, la brève rencontre, au bord d'un étang, entre Oppenheimer et Albert Einstein (Tom Conti).
Culpabilité
Entouré de seconds rôles magnifiquement interprétés, Cillian Murphy, dont c'est la 6e collaboration avec Christopher Nolan, ne se contente pas d'une certaine ressemblance avec le vrai Oppenheimer: il forge un personnage à la fois fort et autoritaire mais fragile et culpabilisé. "Monsieur le président, j'ai l'impression d'avoir du sang sur les mains", dit-il au président Truman (Gary Oldman) après Hiroshima et Nagasaki. Ce à quoi le président américain lui répond que les Japonais se fichent pas mal du nom de l'inventeur de la bombe atomique…
"Ce qui est passionnant avec ce personnage, c'est que personne ne sait réellement qui il était. Oppenheimer n'a jamais réellement condamné Hiroshima et Nagasaki, ou exprimé des regrets. Mais ce qu'il a fait et dit après semble marqué par la culpabilité", a expliqué le réalisateur dans une interview à Paris Match.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Il faut dire aux politiciens non pas que vous créez une nouvelle arme, mais un nouveau monde" (le prix Nobel Niels Bohr, à Oppenheimer).
(États-Unis, 3h00)
Réalisation: Christopher Nolan
Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon
(Sortie le 19 juillet 2023)
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