LA FILLE DE SON PÈRE

Petit cadeau de Noël

Etienne (Nahuel Perez Biscayart) a élevé seul sa fille Rosa (Céleste Brunnquell) pendant 16 ans (©Pyramide Distribution).
Etienne (Nahuel Perez Biscayart) a élevé seul sa fille Rosa (Céleste Brunnquell) pendant 16 ans (©Pyramide Distribution).

C'est la meilleure façon de finir l'année au cinéma, un petit cadeau de Noël à s'offrir, une bonne surprise: pour se changer les idées et respirer un grand bol d'air frais, voici (sur les écrans ce mercredi 20 décembre) LA FILLE DE SON PÈRE, un film léger et émouvant, drôle et charmant.

Ça commence pourtant –on craint le pire– comme un film expérimental, amateur, à petit budget: en quelques minutes de scènes saccadées, un récit en accéléré raconte la rencontre entre deux jeunes gens, leur bref amour, la naissance de leur fille, et la fuite de la jeune mère qui abandonne père et enfant et disparaît sans se retourner.

Burlesque

Mais très vite va s'installer une ambiance de comédie teintée de burlesque. On est 16 ans plus tard, le père, Etienne, a élevé seul sa fille, Rosa. Père et fille (Nahuel Perez Biscayart et Céleste Brunnquell) s'entendent bien, sont complices, n'ont pas eu besoin de la mère absente.

Mais c'est l'heure de la première séparation. Rosa, qui fait des études de graphisme, est admise à une école de beaux-arts à Metz. Etienne, employé municipal comme entraîneur de foot d'une petite équipe amateur de la région parisienne, s'inquiète de la voir partir.

Il a remplacé la mère de sa fille par Hélène (Maud Wyler), une chauffeuse de taxi sympa et cool, qui l'aime. Et il ne pense plus à son ex. Mais, alors qu'Etienne et Rosa se demandent comment ils vont vivre désormais chacun de son côté, le passé ressurgit…

Deuxième film

C'est le deuxième film du jeune réalisateur Erwan Le Duc, après PERDRIX (2019), un film original où il était déjà question de relations familiales. Pour LA FILLE DE SON PÈRE, "le début de l’écriture du scénario date du premier confinement, en mars 2020", explique-t-il. "(…) Le confinement a fait que j’ai passé beaucoup de temps en famille, notamment avec ma fille. Donc le point de départ, c’est de raconter une relation père-fille, une histoire d’amour inconditionnel entre un parent et son enfant. Et aussi l’empire et l’emprise que l’un peut avoir sur l’autre, et inversement".

Avant de se lancer dans le cinéma, Erwan Le Duc a été journaliste, et notamment chef du service des sports du quotidien Le Monde jusqu'en 2019. Dans le film, son personnage Etienne est entraîneur d'une petite équipe de foot, qui dit notamment à ses joueurs que "derrière chaque coup de pied dans le ballon, il doit y avoir un sentiment. Le football c'est un acte de vie".

Semaine de la critique à Cannes

LA FILLE DE SON PÈRE a été présenté, lors du dernier Festival de Cannes, comme film de clôture de la Semaine de la critique, ce qui est toujours le signe d'un film sympa, moins prise de tête que les films en compétition, plus ouvert au grand public. C'est effectivement le cas: le film est un petit bijou de légèreté et d'humour, avec une force burlesque indéniable, un ton primesautier, des dialogues décalés, un récit parfois décousu avec –comme les bons footballeurs– un bel art du contrepied. Il y a des retours en arrière, un peu de suspense à la fin, et parfois des instants de pure poésie et de romantisme, mais jamais sans tomber dans le gnangnan.

On rit –et on s'émeut– dans de jolies scènes (qu'on ne décrira pas trop, on vous laisse les découvrir): toute une équipe de foot sortant d'un break ("On l’a faite sans trucage", assure le réalisateur); des manifs de lycéens pour l'écologie; un ami agent immobilier amateur de guimauve qui "en a marre de vendre des appartements dans lesquels (il) aimerait vivre" et porte un T-shirt avec l'inscription "J'étais mieux avant"; la maire de la ville (Noémie Lvovsky) qui veut raser le terrain de foot municipal pour y planter des arbres; un dialogue important en gros plan entre le père et la fille; en flash-back, Etienne qui passe une audition municipale pour devenir entraîneur et vient avec dans ses bras Rosa bébé (la scène la plus charmante du film)…

Seconds rôles

Deux seconds rôles intéressants donnent de la chair au film: Hélène, la compagne d'Etienne, interprétée par Maud Wyler, remarquée notamment dans TOI NON PLUS TU N'AS RIEN VU en 2023. "Je veux un amour tout en douceur", dit-elle joliment à Etienne. "C’est un personnage bienveillant, qui prend tout sur elle, qui comprend tout, qui a les bons mots", explique le réalisateur.

Et puis il y a le petit copain de Rosa, Youssef (Mohammed Louridi), qui s'improvise poète épique, décidant d'écrire un livre sur la relation entre Rosa et son père, et qui s'exprime dans des dialogues raffinés et savoureux. "J’avais envie que les deux jeunes parlent une belle langue, et notamment le personnage de Youssef, avec son envie de romanesque, de poésie", dit Erwan Le Duc.

Nahuel Perez Biscayart

Bien sûr le film doit une grande partie de son charme, outre son ton et sa construction, aux deux personnages principaux. Dans le rôle de Rosa, la jeune Céleste Brunnquell, vue récemment dans la série télé EN THÉRAPIE, se débrouille plutôt bien.

Mais c'est surtout Nahuel Perez Biscayart, dans le rôle d'Etienne, qui concentre tout l'intérêt et la sympathie du film. Acteur principal en 2017 de 120 BATTEMENTS PAR MINUTE (le film sur l'association de lutte contre le sida Act-Up) et remarqué la même année dans AU REVOIR LÀ-HAUT (d'Albert Dupontel), il est ici remarquable de drôlerie, de tendresse et de douceur, de sérieux et d'inquiétude, de solidité et de fragilité dans ce film très agréable, plein de charme et d'humour. Un petit bonbon à déguster sans modération.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"L'absence n'est pas un sentiment" (Etienne à sa fille Rosa, lui expliquant qu'il n'aime plus sa mère qui les a abandonnés tous les deux).

 

La Fille de son pÈre

(France, 1h31)

Réalisation: Erwan Le Duc

Avec Nahuel Perez Biscayart, Céleste Brunnquell, Maud Wyler

(Sortie le 20 décembre 2023)


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