Partir, revenir
Riche année cinématographique pour l'auteur à succès Nicolas Mathieu. Après l'adaptation, en décembre dernier, de son deuxième roman LEURS ENFANTS APRÈS EUX, Prix Goncourt 2018, voici porté à l'écran son troisième roman, CONNEMARA, dans un film réalisé par Alex Lutz (ce mercredi 10 septembre dans les salles).
Lui et le réalisateur sont originaires de l'est de la France, comme les personnages du livre et du film. Hélène (Mélanie Thierry), issue d'un milieu modeste, a grandi dans les Vosges avant de "monter" à Paris et d'y réussir: une confortable carrière dans un cabinet de conseil, un gentil mari, deux jeunes enfants.
Nancy et Épinal
Mais un jour, elle craque. Burn-out brutal. Elle décide de quitter Paris et de revenir sur les lieux de son enfance et de son adolescence, entre Nancy et Épinal. Un soir, sur le parking d'un restaurant, elle aperçoit Christophe (Bastien Bouillon), un de ses amis de lycée, autrefois petite vedette locale grâce à ses exploits dans l'équipe de hockey sur glace.
Ils se revoient, tombent amoureux, entament une liaison qu'ils n'avaient pas osée trente ans plus tôt. Christophe est divorcé, a un jeune fils, vit avec son père (Jacques Gamblin) atteint d'Alzheimer, et a décidé de reprendre le hockey. De son côté Hélène prend ses distances avec son mari et veut croire que sa nouvelle idylle est le départ d'une nouvelle vie…
Paris et province
Le temps qui passe et les souvenirs, la nostalgie, les regrets et les secondes chances: ce sont les bases du livre et du film, mais aussi le déterminisme social, le retour aux sources, les différences entre Paris et la province.
"Comment filme-t-on le temps et le souvenir? Même si je ne m’en rendais pas compte au début de ma carrière, force est de constater que le temps est ma thématique, mon obsession", dit Alex Lutz, dont c'est le quatrième film comme réalisateur.
Les trois premiers (LE TALENT DE MES AMIS en 2015, GUY en 2018, UNE NUIT en 2023) suivaient une progression prometteuse, chacun étant meilleur que le précédent.
Distances
On n'en dira pas autant pour CONNEMARA, plutôt décevant dans sa construction et dans la manière dont Alex Lutz a pris ses distances avec le roman. Il fait certes preuve d'une signature cinématographique très personnelle, avec caméra qui bouge, gros plans sur les visages, images floues.
Mais en prenant partie de suivre davantage le destin d'Hélène que celui de Christophe (personnage qui rappelle celui de PARTIR UN JOUR, interprété par le même Bastien Bouillon), il crée un déséquilibre qui interroge sur l'empathie qu'il montre à l'égard de ses personnages. Lui est trop sympathique, elle pas assez. Tout semble plutôt clair et paisible dans la tête de Christophe, alors que c'est la houle et le désordre dans celle d'Hélène. En province on est si simple, à Paris on est si compliqué?
Éternelles questions
Partir, rester, revenir? "Mes éternelles questions! Rester, c’est louper? Partir, c’est gagner?", dit le réalisateur dans ce film doux-amer (surtout amer), qui réserve tout de même quelques moments forts, notamment ceux avec les parents: Jacques Gamblin le père de Christophe, et surtout cette superbe scène (la plus belle du film) entre Hélène et sa mère (magnifiquement interprétée par Clémentine Célarié), dans laquelle la seconde dit à la première: "Je te fais honte".
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"On trouve de la beauté n'importe où" (Mélanie Thierry).
(France, 1h55)
Réalisation: Alex Lutz
Avec Mélanie Thierry, Bastien Bouillon, Jacques Gamblin
(Sortie le 10 septembre 2025)
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