BLOOD TIES

L'extravagant voyage aux États-Unis du jeune et prodigieux Guillaume Canet

Quatrième long métrage de Guillaume Canet, BLOOD TIES est son premier film américain (©Mars Distribution)
Quatrième long métrage de Guillaume Canet, BLOOD TIES est son premier film américain (©Mars Distribution)

Guillaume Canet est un réalisateur courageux. Fort du succès public (5,3 millions d'entrées) de son dernier film il y a trois ans, il aurait pu faire LES PETITS MOUCHOIRS-2.
Ou, se reposant sur sa jeune notoriété, il aurait pu réaliser un film intello pour rafler son deuxième César de meilleur réalisateur, après NE LE DIS À PERSONNE il y a sept ans.
Au lieu de cela, il a tenté le plus difficile: aller tourner un film aux États-Unis, en langue anglaise, avec des acteurs américains. C'était son rêve, lui qui se définit comme ''un amoureux inconditionnel du cinéma de Cassavetes, Schatzberg, Lumet et autres Peckinpah''.
Pari réussi: n'en déplaise aux critiques fatigués et exigeants du dernier Festival de Cannes qui l'ont un peu démoli (le film était présenté hors-compétition), les spectateurs dans les salles vont pouvoir constater que BLOOD TIES est un passionnant thriller à la mise en scène soignée.
Le film est, comme son nom l'indique, le remake des LIENS DU SANG, le film de Jacques Maillot en 2008 dans lequel Guillaume Canet tenait l'un des deux rôles principaux, aux côtés de François Cluzet. Ici les rôles sont repris par Billy Crudup et Clive Owen, dans le New York de 1974.
Le premier est Frank, un flic prometteur et intègre. Le second est Chris, son frère aîné, libéré pour bonne conduite après neuf ans de prison. Tous deux ont suivi des destins opposés, mais devant la prison Frank attend son grand frère et veut l'aider à refaire sa vie.
Il le loge, lui trouve un travail dans un garage, l'aide à renouer avec ses enfants et son ex-femme, Monica (Marion Cotillard), qui balance entre drogue et trottoir. Mais Chris est vite rattrapé par son passé et replonge. Jusqu'où ira son frère le flic pour le protéger encore?...
Comme Luc Besson et Jean-Pierre Jeunet récemment, Guillaume Canet réalise donc son rêve américain. Mais le premier a tourné son MALAVITA en Normandie et le second son T.S. SPIVET au Canada. Canet, lui, a rencontré de nombreux obstacles dans son tournage aux États-Unis.
Ce furent d'abord des problèmes financiers, le projet construit autour de Mark Wahlberg ayant capoté après le retrait de celui-ci. Le producteur habituel de Guillaume Canet, Alain Attal, a finalement pris le relais –et de gros risques-- en prenant en charge le film.
Les conditions de tournage aux États-Unis et les obligations syndicales (la CGT, à côté, c'est le couvent des oiseaux) ont ensuite rendu la vie impossible au jeune réalisateur français: ''J'ai vécu des moments surréalistes auxquels je n'avais jamais été confronté, même sur mon premier film (MON IDOLE, 2002)'', raconte-t-il.
''Tout posait problème. Dès que je demandais quelque chose d'assez banal à mes yeux en tant que réalisateur français, on m'expliquait que c'était interdit. En fait, j'ai vécu avec BLOOD TIES une expérience hors du commun car j'ai été directement confronté à une autre culture et à une autre manière de faire du cinéma. Toutes les règles diffèrent par rapport à la France. Il a fallu s'adapter''.
Eh oui, c'est ça l'Amérique... Le résultat de ce parcours du combattant est un film plutôt réussi, avec trois points forts.
1-la reconstitution historique du New York des années 70, avec pantalons à pattes d'eph', chemises bariolées, vieilles voitures pourries et bande-son d'époque.
2-une distribution très classe, avec un duo Owen-Crudup épatant mais aussi d'impressionnants seconds rôles: Marion Cotillard, James Caan, Mila Kunis, Zoe Saldana, Matthias Schoenaerts, Noah Emmerich, Lily Taylor.
3-un scénario adapté par James Gray (le réalisateur de LITTLE ODESSA, THE YARDS, LA NUIT NOUS APPARTIENT, TWO LOVERS) qui maintient le spectateur en haleine jusqu'au bout.
Principal défaut du film, c'est un peu trop long –Guillaume Canet reconnaît que c'est son péché mignon--, et le montage aurait donc gagné à être plus serré. Mais, au bout de 2h07, la fin est tellement jolie, dans cette histoire très sombre, qu'on n'en veut pas au jeune réalisateur d'avoir voulu savourer jusqu'au bout, pour son quatrième film, son rêve américain.
Jean-Michel Comte
 
LA PHRASE
''Je vous laisse vous débrouiller tous les deux'' (James Caan, en fin de film, ne voulant prendre parti pour aucun de ses deux fils, Clive Owen et Billy Crudup).

BLOOD TIES
(France/États-Unis, 2h07)
Réalisation: Guillaume Canet
Avec Clive Owen, Billy Crudup, Marion Cotillard
(Sortie le 30 octobre 2013)