Le soleil tape
Sous le soleil exactement, en pleine canicule, au milieu de nulle part, tout est possible. C'est le résumé du film franco-grec BLIND SUN, bizarre et intriguant.
On est en Grèce, dans une petite station balnéaire isolée frappée par une vague de chaleur. L’eau se fait rare, des mesures de restriction sont imposées, la tension monte entre les habitants. Le soleil tape.
Ashraf, immigré solitaire, est engagé pour garder la villa d’une famille française qui part en vacances. La maison, luxueuse -piscine, baies vitrées, système de sécurité sophistiqué-, est isolée loin du village, dans un paysage désertique, aride et poussiéreux, aux couleurs ocre, inquiétant, uniquement animé par le bruit des cigales et le passage de quelques chiens abandonnés.
Ashraf, avant même d'arriver sur les lieux au volant de sa vieille voiture, a été importuné par un policier motard tout de noir vêtu, qui lui a confisqué ses papiers. "Ça t'apprendra à respecter le pays qui t'accueille", lui a-t-il dit.
Une fois dans la maison et une fois les propriétaires partis, Ashraf se retrouve seul avec le chat blanc de la famille. Dans cette atmosphère pesante, voire angoissante, en pleine canicule, lui aussi manque d'eau. Il croit voir parfois une silhouette noire rôder dans la grande maison. Hallucinations? Il se déshydrate, soufre de la chaleur, frôle l'insolation. Le soleil tape…
"Le film se veut un cauchemar pour Ashraf, le personnage principal, dans lequel il s’enfonce doucement jusqu’à perdre pied, entraînant le spectateur dans son vertige", explique la jeune réalisatrice franco-grecque Joyce A. Nashawati, dont c'est le premier long métrage. Elle en a eu l'idée lors d'une canicule: "J’étais en vacances en Grèce, sur une plage, pendant l’été qui est souvent très chaud et très sec. On assiste là-bas à des feux de forêt qui sont si fréquents que les gens s’y habituent et n’y prêtent même pas attention. Ce détail m’a frappée parce que ça crée une ambiance +autre+, qui transforme les vacances en quelque chose d’inquiétant. Tout est donc venu de ce mélange d’un moment qui est supposé être agréable et d’un ciel qui semblait changer de couleur", a-t-elle raconté dans une interview.
Porté, dans le rôle principal, par Ziad Bakri, un acteur arabe israélien de 35 ans aux traits aussi secs que les paysages du film, BLIND SUN vaut par son atmosphère plus que par son scénario: longtemps il ne se passe rien (à part quelques sorties d'Ashraf en dehors de la villa), ce qui rend le film angoissant et parfois bizarre, et le spectateur se perd dans cette ambiance aride, volontairement ou non. A la fin, on ne sait pas trop ce qui s'est réellement passé, on a l'impression que le film a oscillé entre thriller fantastique et film d'auteur, et si l'on est ébloui c'est uniquement par la vraie vedette du film: le soleil, qui tape fort.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Vous ne verrez que des chiens et de la poussière, ici" (avant de partir, la maîtresse de maison française à celui chargé de veiller sur la maison).
(Grèce, 1h28)
Réalisation: Joyce A. Nashawati
Avec Ziad Bakri, Yannis Stankoglou, Mimi Denissi
(Sortie le 20 avril 2016)