Arrête ton char, machine à remakes!
Des histoires vraies, des suites ou des préquelles, des remakes: quand ils sont en manque d'idées, les producteurs de cinéma puisent dans ce trio de solutions. Nouvel exemple avec la Paramount et la MGM qui ont fait alliance pour imaginer un remake de BEN-HUR, plus d'un demi-siècle après le classique de 1959 réalisé par William Wyler et immortalisé par Charlton Heston.
On connaît l'histoire: celle de deux frères, Judah et Messala, qui vont s'affronter dans la Judée du Ier siècle après Jésus-Christ. Messala, un orphelin romain, est le frère adoptif de Judah Ben-Hur, d'une famille juive aisée de Jérusalem. Alors que l'occupation romaine de la région provoque l'opposition d'une partie de la population, Messala ne se sent plus chez lui dans la famille Ben-Hur et décide de partir pour s'engager dans les armées romaines.
Trois ans plus tard, il revient en conquérant à Jérusalem, comme officier de l'armée de Ponce-Pilate. Il revoit Judah et les siens, mais un incident va provoquer la rupture avec sa famille adoptive. Accusé de trahison, Judah est envoyé aux galères tandis que sa famille est emprisonnée.
Judah va mûrir sa vengeance pendant cinq ans et, échappé des galères après une bataille navale, va être recueilli par un bédouin éleveur de chevaux, le Sheik Ilderim, dont les hommes gagnent de l'argent dans les courses de chars. Revenu à Jérusalem avec lui, Judah, qui a appris la technique des courses, va alors affronter son frère adoptif Messala, le champion de la spécialité dans le grand cirque que les Romains ont construit à Jérusalem…
C'est au réalisateur kazakh Timur Bekmambetov, qui s'était fait connaître par les films d'action NIGHT WATCH en 2004 et son premier film hollywoodien WANTED: CHOISIS TON DESTIN en 2008 (avec James McAvoy, Angelina Jolie, Morgan Freeman), que les producteurs ont confié ce remake. Et, affirme-t-il dans le dossier de presse du film, il a beaucoup hésité: "Le BEN-HUR de 1959 n’est pas un simple film, c’est une oeuvre-culte qui a profondément marqué la culture du XXe siècle. C’est pour cette raison que, quand on m’a proposé d’en réaliser une nouvelle version, je me suis immédiatement dit: +Surtout pas+".
Mais, ajoute-t-il dans la foulée, "heureusement le producteur Sean Daniel m’a persuadé de lire le scénario, qui racontait une histoire extrêmement bien écrite, avec un côté film d’action mais avec aussi un ensemble de personnages formidablement authentiques et une profonde réflexion sur l’être humain. Même si l’histoire se déroule il y a plus de 2.000 ans, ces personnages, leurs émotions et leurs actes ne sont pas si éloignés de nous et auront une portée atemporelle et universelle".
Tiré du livre de Lewis Wallace paru en 1880 (à lire ici en ligne, 453 pages), le BEN-HUR de 1959 a marqué l'histoire du cinéma, avec ses 11 Oscars (record toujours en cours, seulement égalé par TITANIC en 1998 et LE SEIGNEUR DES ANNEAUX: LE RETOUR DU ROI en 2004). Le remake de 2016 –plutôt fraîchement accueilli à sa sortie dans les salles américaines– n'a pas la prétention de rivaliser avec Charlton Heston, tout au plus essaye-t-il de jouer dans la même catégorie que les péplums modernes type GLADIATOR (2000), ALEXANDRE (2003), TROIE (2004), 300 (2006), CENTURION (2010), HERCULE (2014) et autres EXODUS (2014).
Le scénario ne comporte que quelques changements mineurs par rapport à l'histoire originale, et aux côtés de Morgan Freeman dans le rôle du Sheik Ilderim (rôle plus consistant ici), les personnages sont interprétés par des acteurs de second ordre, peu connus du grand public: le Britannique Jack Huston est Judah Ben-Hur, son compatriote Toby Kebbell est Messala, et Jésus de Nazareth, qui fait quelques apparitions, a les traits de mannequin de l'acteur brésilien Rodrigo Santoro.
Comme en 1959, les réflexions politico-religieuses des personnages ramènent souvent à la réalité de la région ("Si vous gouvernez en occupant, vous courez au désastre", dit Messala à ses supérieurs, avant de se durcir) et, plus globalement, aux grandes questions existentielles sur la famille, la violence, la liberté, la vengeance, le pardon et bien sûr le bien et le mal.
La réalisation, au début, fait un peu téléfilm plan-plan, genre Amour, gloire et beauté chez les Ben-Hur de Judée. Mais au bout d'une bonne demi-heure la machine à remakes s'emballe et le film prend de l'ampleur, grâce aux techniques modernes, aux effets numériques et à la 3D, quand Judah est envoyé aux galères et, bien sûr, dans les séquences de la course de chars finale.
Sans faire oublier Charlton Heston, le Judah Ben-Hur 2016, avec ses quatre chevaux blancs, a fière allure dans l'arène. Point commun avec le film de 1959, les principales séquences ont été tournées dans les studios de Cinécittà à Rome, dont cette fameuse course finale.
La plupart des plans ont été filmés en prises de vue réelles mais, "si tout a été fait pour privilégier les effets physiques, certaines des prises de vue les plus dangereuses ont été réalisées en infographie pour préserver la sécurité des chevaux et des équipes de cascadeurs", précise la production. Pour les chutes des chevaux et les accidents de chars, "dans la version de 1959, les chevaux passaient sur un câble dissimulé dans le sable, mais cette technique a depuis été bannie car, à l’époque, elle a provoqué des accidents et entraîné les blessures ou la mort de dizaines d’entre eux". Dans ce remake de 2016, "des effets visuels indécelables ont permis d’obtenir des chevaux numériques qui s’écrasent et trébuchent sans mettre en danger le moindre animal vivant". C'est toujours ça. Pour le reste, rien ne vaut l'original.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE
"Rome veut du sang, j'obéis" (Massala).
(États-Unis, 2h04)
Réalisation: Timur Bekmambetov
Avec Jack Huston, Morgan Freeman, Toby Kebbell
(Sortie le 7 septembre 2016)