BARBARA

Faux biopic, vraie déception 

"Film dans le film": Jeanne Balibar et Mathieu Amalric interprètent une actrice et un réalisateur qui tournent un film sur Barbara (©Roger Arpajou/Waiting For Cinéma/Gaumont Distribution).
"Film dans le film": Jeanne Balibar et Mathieu Amalric interprètent une actrice et un réalisateur qui tournent un film sur Barbara (©Roger Arpajou/Waiting For Cinéma/Gaumont Distribution).

Pour le 20e anniversaire de la mort de Barbara à l'âge de 67 ans (c'était le 24 novembre 1997), l'acteur-réalisateur Mathieu Amalric lui rend hommage avec un film original mais décevant, BARBARA, sorte d'anti-biopic intello pour happy few.

Il se met en scène lui-même comme réalisateur d'un film sur la chanteuse, qui dirige une actrice, Brigitte (Jeanne Balibar), chargée de l'incarner sur grand écran. Le tournage se met en place, l'actrice travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, mais aussi les gestes de la vie courante à la manière de Barbara: elle tricote, s'endort et se réveille, s'interroge sur sa vie sentimentale.

De son côté le réalisateur progresse aussi dans son projet, par ses rencontres, par les archives, par la musique. Il est fasciné par le sujet de son film, se laisse submerger par cette chanteuse envoûtante, autant que son actrice, peut-être plus qu'elle…

Septième film de Mathieu Amalric comme réalisateur, BARBARA a fait, en mai dernier, l'ouverture d'Un Certain Regard, la section parallèle officielle du Festival de Cannes. Mathieu Amalric explique qu'il n'a pas voulu faire un biopic traditionnel et grand public, comme par exemple celui sur Dalida en début d'année à l'occasion du 30e anniversaire du décès de la chanteuse.

"Je n'ai jamais vu chanter Barbara. Jamais je n'aurais pensé faire un biopic. C'était ça la vraie question: +Comment faire un biopic?+, au lieu d’être dans la mise en abîme, au moins être dans la +mise en joie+", déclarait-il en mai dernier à Europe-1. "Il y a trois ans, un cinéaste avait voulu faire un biopic avec Jeanne Balibar mais ils n'y sont pas arrivés. Ils m’ont alors dit: +essaye, toi+. Je me suis dit qu’une collision de deux genres, un film dans le film, me permettrait d’être dans un dispositif amoureux. Alors pour qui? Pour Barbara? Pour le personnage de l’actrice? Ou pour Jeanne elle-même? Il y a des hologrammes, des incarnations, c'est un film troublant. Le cinéaste est complètement fétichiste, peut-être même nécrophile".

Il a choisi pour incarner Barbara celle qui fut sa compagne pendant sept ans de 1996 à 2003 et avec qui il a eu deux enfants. Outre la ressemblance physique troublante, Jeanne Balibar est habitée par le personnage, mais sans tomber dans le mimétisme ou l'imitation.

On entend de nombreuses chansons de l'interprète de L'aigle noir, on voit quelques extraits de documents de la vraie Barbara visionnés par le réalisateur, on évoque le film FRANZ (1971) de Jacques Brel dans lequel elle partage l'affiche avec le chanteur belge. Tout est volontairement mélangé, dans le cadre du procédé "le film dans le film" qui donne l'impression que Mathieu Amalric a voulu autant rendre hommage à Jeanne Balibar ou à lui-même qu'à Barbara. Les trois noms occupent la même place sur l'affiche et quand on lui demande "Vous faites un film sur Barbara ou un film sur vous?", le personnage du réalisateur répond: "C'est pareil".

"Oui, on ne sait plus qui est qui. Le dispositif me semblait exalter beaucoup de choses", confirme Mathieu Amalric. "Comme la musique ou la naissance d’une chanson par exemple, en passant par le trajet de l’actrice qui doit apprendre une chanson de Barbara. On ne sait plus qui est qui. Pour moi, ce sont des variations autour de Barbara".

Le projet est original et le procédé intéressant, et Jeanne Balibar est impressionnante. Mais cet anti-biopic laisse un résultat d'ensemble nostalgique, erratique et brouillon, sombre et tristounet, finalement assez ennuyeux. Un film intello, avec une construction déroutante et une drôle de fin, qui aura du mal à séduire un vaste public au-delà des inconditionnels (de Barbara? de Jeanne Balibar? de Mathieu Almaric?). La longue dame brune méritait mieux.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Quand je n'ose pas, je n'ose pas. Mais quand j'ose, j'ose" (Jeanne Balibar).

 

BARBARA

(France, 1h37)

Réalisation: Mathieu Amalric

Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani

(Sortie le 6 septembre 2017)