AU COEUR DE L'OCÉAN

Ron Howard revisite Moby Dick

Ron Howard raconte l'histoire vraie de Moby Dick (©Warner Bros).
Ron Howard raconte l'histoire vraie de Moby Dick (©Warner Bros).

On lui doit quelques uns des petits bijoux du 7e art des 30 dernières années, de COCOON (1985) à RUSH (2013) en passant par WILLOW (1988), UN HOMME D’EXCEPTION (2001) ou encore FROST/NIXON, L’HEURE DE VÉRITÉ (2008).  Mais au fil des années, en vieux routard d’Hollywood, le réalisateur Ron Howard a aussi signé sa part de navets et de blockbusters plus ou moins ratés. Impossible donc pour lui d’atteindre le firmament des grands cinéastes américains, Steven Spielberg en tête.

Son dernier film en date, AU CŒUR DE L’OCÉAN, ne déroge pas à sa réputation de réalisateur en dents de scie, admiré par les uns pour son académisme et son professionnalisme, décrié par les autres pour son absence d’originalité et de souffle épique. Mais comme presque toujours avec Ron Howard quand il s’essaye aux films d’action, il offre aux spectateurs un beau spectacle, mâtiné cette fois d’une réflexion politique sur la survie de l’homme, la lutte des classes, l’appât du gain et la logique économique au détriment de la nature.

C'est l'histoire d'un jeune écrivain, en quête d'inspiration et de vérité, et d'un vieux marin, au passé assombri par un drame si indicible qu'il n’est jamais parvenu à en parler... Par une nuit d'alcool, éclairée à la seule bougie, poussé par l'auteur, Thomas Nickerson (Brendan Gleeson) libère sa conscience alourdie par des souvenirs inhumains auprès d'Herman Mellville (Ben Wishaw), qui en fera ce chef d'oeuvre de la littérature que l’on connaît sous le titre de Moby Dick...

Hiver 1820. L'Amérique du début du XIXe siècle, en pleine expansion économique. L'âge d'or de la chasse à la baleine. Sur l'île de Nantucket, au large de Cape Cod, des centaines de marins partent en mer pour de longs mois, voire des années, pour pêcher les immenses cétacés et recueillir leur huile, largement utilisée pour l'éclairage ou la lubrification des machines.

Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. A son bord, des dizaines de matelots, menés par le capitaine George Pollard (Benjamin Walker) et son second Owen Chase (Chris Hemsworth). Le premier, jeune homme nanti de bonne famille, a pour lui l'argent, l'arrogance et l'appui des armateurs, mais aucune expérience. Le second, fils de pêcheur, a beau maîtriser tous les arcanes de son métier, il sait qu’il a atteint le plafond de verre: il n'obtiendra jamais un titre de capitaine d'un baleinier.

Sur fond de rivalité entre les deux hommes, le navire vogue vers les eaux profondes, repousse les limites de son expédition, toujours plus loin, pour remplir ses cales d'huile. C’est alors qu’il est attaqué par une baleine gigantesque, un animal si monstrueux qu’il provoque aussi bien l’effroi que la convoitise. Malgré un long combat livré par les hommes, face aux éléments déchaînés, le bateau finit par faire naufrage, et les marins se laissent gagner par la faim, la peur et le désespoir…

A mi-chemin entre reconstitution historique et épopée héroïque, AU CŒUR DE L’OCÉAN relate une histoire connue de tous, celle de la sanglante chasse à la baleine que fut Moby Dick. Souvent spectaculaire, le film assure une véritable immersion dans le monde des baleiniers de l’époque, sans surenchère. Sur le pont, les acteurs, notamment Chris Hemsworth et Cillian Murphy, restent crédibles jusqu’au bout, même si le scénario, lui, s’essouffle peu à peu, au fur et mesure que l’ombre de la baleine s’éloigne et que le long-métrage se transforme en film de survie sur fond de cannibalisme. Et si les effets spéciaux manquent parfois de finesse, probablement faute de budget, ils offrent tout de même une belle plongée dans l’univers marin, des scènes de pêche jusqu’à l’assaut du grand cétacé.

Loin du chef d’œuvre original de John Huston MOBY DICK (1965) ou de MASTER AND COMMANDER (2003) de Peter Weir, AU CŒUR DE L’OCÉAN reste un film classique qui ne bouleversera ni les annales du cinéma ni la filmographie de Ron Howard, mais il confirme une nouvelle fois le savoir-faire d’un cinéaste à l’ancienne, féru de sujets originaux, mais à qui il manque parfois juste un excellent scénario pour atteindre le niveau des plus grands.

Karine G. Barzegar

 

LA PHRASE

"A quoi bon donner de l’eau à un mort?" (un des marins, en perdition avec ses camarades).

 

AU CŒUR DE L'OCÉAN

("In the Heart of the Sea") (֤֤États-Unis, 2h02)

Réalisation: Ron Howard

Avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy

(Sortie le 9 décembre 2015)