APPRENTI GIGOLO

Presque Allen

Woody Allen le maître, John Turturro l'apprenti (©ARP Selection)
Woody Allen le maître, John Turturro l'apprenti (©ARP Selection)

C'est un peu l'effet Canada Dry. Woody Allen joue dans le film, il a étroitement participé au projet de départ, il y apporte des échantillons de ce fameux humour-juif-new-yorkais qui est sa marque de fabrique. Mais la réalisation, le scénario et les dialogues d'APPRENTI GIGOLO sont signés John Turturro.
Et l'acteur-réalisateur américain y joue le rôle principal. Celui de Fioravante, employé chez un fleuriste new-yorkais, sensible et solitaire, tranquille et sans ambition, qui n'a pratiquement pas d'amis à part Murray (Woody Allen), un libraire qu'il a connu quand il était enfant.
Tous deux ont des problèmes pour boucler leurs fins de mois. Fioravante ne travaille chez son fleuriste que deux jours par semaine, et la librairie de Murray périclite: ''C'est la fin d'une ère. Rares sont ceux qui achètent encore des livres'', se lamente le vieux libraire.
Celui-ci a alors une idée: il suggère à Fioravante de devenir gigolo, et se fait fort de lui trouver des clientes. Après quelques réticences, le fleuriste romantique accepte de se lancer dans l'aventure.
Sa première cliente sera la dermatologue de Murray (Sharon Stone), qui lui proposera ensuite une partie à trois avec une amie nymphomane (Sofia Vergara). Peu à peu la petite entreprise du duo prospère, l'argent rentre, Fioravante s'améliore et Murray se frotte les mains.
Mais un jour, tous deux tombent sur une cliente pas comme les autres. Avigal (Vanessa Paradis), mère de six enfants et veuve d'un rabbin très orthodoxe, vit dans un quartier de Brooklyn où les femmes doivent suivre des préceptes réligieux très stricts en matière de vêtements, de comportement et de fréquentations. En 20 ans de mariage, feu son mari ne l'a jamais embrassée.
Quand Murray lui propose de faire la connaissance de Fioravante pour une séance de massage en tout bien tout honneur, elle hésite et finit par accepter. Son trouble, sa pudeur mais son désir de nouveauté sont partagés par le fleuriste-masseur-gigolo...
Ce qui n'est qu'une gentille comédie sans trop d'originalité change soudain de ton quand apparaît Vanessa Paradis, dans son premier rôle en anglais. Elle apporte à l'histoire autant de charme que les très sensuelles Sharon Stone et Sofia Vergara, mais avec la pointe de romantisme qu'a voulu donner John Turturro à son film –sans oublier quelques réflexions sur le plaisir féminin, les extrémistes religieux, la frontière entre sexe et amour.
C'est son cinquième film comme réalisateur. Le premier, qui obtint la Caméra d’or à Cannes, s’appelait MAC, mais rien à voir avec les gigolos. Les suivants (ILLUMINATA, ROMANCE ET CIGARETTES et  PASSIONE) n’ont pas laissé un souvenir impérissable.
Cet APPRENTI GIGOLO se laisse voir sans déplaisir, même si le scénario manque un peu de punch. On a l'impression que, derrière comme devant la caméra, John Turturro est un peu perdu quand Woody Allen ne tire pas les ficelles.
''A sa manière, Woody m'a encouragé à creuser et, au final, j'ai mis beaucoup de moi dans le film'', dit-il. ''Il m'a encouragé à suivre mon instinct, ce qui a donné un film bien plus nuancé qu'une comédie lambda''. Gigolo peut-être, apprenti sûrement.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Là où il y a de l'amour, il y a de la peine'' (John Turturro, puis Vanessa Paradis).

APPRENTI GIGOLO
(’’Fading Gigolo’’) (Etats-Unis, 1h30)
Réalisation: John Turturro
Avec John Turturro, Woody Allen, Vanessa Paradis
(Sortie le 9 avril 2014)