AMERICAN BLUFF

Le favori des Oscars

Amy Adam et Christian Bale sont bluffants (©Christian Duhamel/Columbia Pictures/Metropolitan FilmExport)
Amy Adam et Christian Bale sont bluffants (©Christian Duhamel/Columbia Pictures/Metropolitan FilmExport)

Fort de ses 10 nominations, il est, avec une petite longueur d'avance sur GRAVITY et 12 YEARS A SLAVE, le favori des prochains Oscars, qui seront attribués le 2 mars: le film AMERICAN BLUFF, mi-thriller mi-comédie, donne la part belle à une demi-douzaine d'acteurs tous aussi éblouissants les uns que les autres.
Il a d'ailleurs commencé sa moisson de trophées récemment aux Golden Globes, traditionnel avant-goût des Oscars, en remportant trois récompenses.
''Ce qui suit est en parti arrivé'', peut-on lire sur l'écran avant le début du film. Le réalisateur, David O. Russell, s'est inspiré d'une histoire vraie: à la charnière des années 70/80, une opération d'infiltration du FBI baptisée Abscam, contraction d'Abdul (il était question d'un faux sheik arabe) associée à scam (arnaque), visant à monter une fausse affaire financière pour confondre des politiciens véreux.
Avril 1978. Irving Rosenfeld (Christian Bale), un escroc particulièrement brillant, décide de passer à la vitesse supérieure quand il rencontre Sydney Prosser (Amy Adams), fausse Anglaise mais vraie arnaqueuse elle aussi. Ils deviennent amants, s'associent, soutirent des centaines de milliers de dollars à de petits investisseurs, et voient leurs affaires malhonnêtes prospérer au fil des ans.
Mais, un jour, ils sont coincés par le FBI, et arrêtés pour escroquerie. Un agent fédéral un peu fantasque et prêt à tout pour parvenir à ses fins, Richie DiMaso (Bradley Cooper), leur propose la liberté en échange de leur collaboration: organiser un coup monté, à base de pots-de-vin, pour compromettre un maire du New Jersey (Jeremy Renner) et plusieurs hommes politiques, dans une opération de relance des casinos d'Atlantic City.
Mais les dangers et obstacles surgissent les uns après les autres: la crédibilité du faux sheik arabe présenté comme un investisseur est fragile, des caïds de la Mafia donnent une autre dimension à cette arnaque, et l'attirance mutuelle entre Sydney Prosser et Richie DiMaso rendent jaloux Irving Rosenfeld. Pour couronner le tout, la femme de celui-ci, Rosalyn (Jennifer Lawrence), incontrôlable et excentrique, entre dans la partie comme un chien dans un jeu de quilles et risque, sans le savoir, de tout faire capoter...
Avec ses scénaristes, David O. Russell a pris des libertés avec l'histoire vraie de l'Abscam, pour s'intéresser davantage aux caractères des principaux personnages et à leurs relations, leur vie intime, leurs qualités et leurs défauts –comme il l'avait fait dans ses deux précédents films, où jouaient déjà quelques uns des mêmes acteurs: FIGHTER en 2010 (avec Christian Bale et Amy Adam), HAPPINESS THERAPY en 2012 (avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence et Robert De Niro).
Ces trois films ont en commun le fait qu'ils ''racontent l'histoire de personnages dont la vie ne s'est pas déroulée comme  ils l'auraient voulu ou l'avaient prévu'' explique le réalisateur. ''Avez-vous déjà essayé de survivre quand vous savez que vous avez fait les mauvais choix?'', demande en voix off Irving Rosenfeld, le personnage interprété par Christian Bale, au début du film.
Pendant une heure, cet AMERICAN BLUFF (le titre original est AMERICAN HUSTLE, qu'on peut traduire par ''Arnaque américaine'') manque de rythme, est beaucoup trop bavard, regorge de longueurs et de scènes sans action qui reposent uniquement sur le jeu des acteurs. On se dit que c'est du sous-Scorsese, que le premier arnaqué est le spectateur assis dans son fauteuil...
Et puis, dans sa seconde moitié, le film se libère, l'action part dans tous les sens, le scénario explose (avec un rebondissement final étonnant), l'humour et le suspense se mélangent à un rythme fou, les dialogues sont brillants, et surtout les acteurs occupent l'écran de manière éblouissante. Chacun en fait des tonnes, suffisamment trop pour rendre son personnage crédible, et c'est un vrai régal.
Ce n'est d'alleurs pas un hasard si les quatre principaux sont nommés –fait rare– dans les quatre catégories des Oscars: meilleur acteur (Christian Bale, méconnaissable derrière sa moumoute, sa barbe, ses grosses lunettes et ses kilos en trop), meilleure actrice (Amy Adams, séduisante rousse aux décolletés profonds et à la tactique machiavélique), meilleur second rôle masculin (Bradley Cooper, flic incontrôlable qui secrètement se met des mini-bigoudis pour rendre ses cheveux moins plats), meilleure second rôle féminin (Jennifer Lawrence, harpie ménagère sexy, écervelée, qui ne s'en laisse pas compter).
Mais le plus savoureux est peut-être l'apparition, quelques minutes, vers la fin du film, d'un Robert De Niro en vieux mafieux binoclard, décati et menaçant, presque caricatural, vrai moment de bonheur cinéphilique qui finit de hisser cet AMERICAN BLUFF au rang d'une des meilleures comédies policières de l'année.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''On a inventé la fraude fiscale. On la pratique depuis 30 ans'' (l'avocat du mafieux De Niro).

AMERICAN BLUFF
(''American Hustle'') (États-Unis, 2h18)
Réalisation: David O. Russell
Avec Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams
(Sortie le 5 février 2014)