A PERFECT DAY

Humour fataliste en pleine guerre des Balkans 

Tim Robbins et Benicio del Toro, deux humanitaires dans les Balkans (©Fernando Marrero/Reposado PS/MediaProduccion SLU).
Tim Robbins et Benicio del Toro, deux humanitaires dans les Balkans (©Fernando Marrero/Reposado PS/MediaProduccion SLU).

C'est un hommage aux membres des associations humanitaires, truffé d'humour un peu désespéré, que rend le réalisateur espagnol Fernando León de Aranoa dans son film A PERFECT DAY (UN JOUR COMME LES AUTRES), drôle et émouvant.

En 1995, alors que la guerre civile dans les Balkans touche à sa fin, un groupe de membres de l'association humanitaire Aid Across Borders tente de trouver une corde pour sortir un cadavre d'un puits dans lequel on l'a jeté et qui prive les habitants d'eau potable. On suit pendant deux jours et une nuit les pérégrinations du groupe, composé de cinq personnes, qui sont en mission depuis plusieurs mois dans cette région ravagée par la guerre.

Il y a le chef, Mambru (Benicio del Toro), originaire de Porto-Rico, protecteur mais désabusé et qui veut rentrer chez lui. Il y a la Russe Katya (Olga Kurylenko), une ex qu'il n'avait pas vue depuis un an et demi et qui, encore rancunière après leur rupture, débarque pour évaluer leur mission. Il y a Sophie (Mélanie Thierry), une nouvelle recrue française, pleine d'enthousiasme et de candeur mais qui n'a jamais vu de cadavre. Il y a B (Tim Robbins), un Anglo-Saxon célibataire et solitaire, un peu barjo, qui cache derrière un humour cynique un manque total de vie affective. Et il y a Damir (Fedja Stukan), leur interprète local, qui attend impatiemment la fin du conflit.

Dans cette région montagneuse écrasée de soleil, microcosme où se côtoient tous ceux qui participent à la guerre de près ou de loin –soldats, casques bleus de l'ONU, humanitaires, journalistes, civils–, le groupe des cinq va alterner routine et événements imprévus, périodes de détente et moments dramatiques. Ils vont croiser un cadavre de vache déposé au milieu d'une piste, des gamins armés qui jouent au ballon, le propriétaire d'un camion-citerne qui vend aux villageois de l'eau à 6 dollars le seau, un commerçant qui refuse de vendre ses cordes à des étrangers, un village désert en ruines et dévasté, un barrage de soldats qui détiennent des prisonniers tout juste descendus d'un bus, des casques bleus qui font appliquer à la lettre les règlements tatillons…

Le film, remarquablement interprété (le plus succulent est le personnage de Tim Robbins), est un mélange réussi d'humour fataliste et de scènes d'émotion intense, un cocktail rires-larmes voulu par le réalisateur: "L’humour à froid est l’arme du film pour aborder les événements avec distance: piquant, âpre, décapant –désespéré aussi– tout au long du film, souvent en plein coeur de la tragédie. Sûrement parce que c’est dans ces moments qu’il est indispensable".

C'est le sixième film de Fernando León de Aranoa, peu connu en dehors de l'Espagne où il a reçu en 2003 les Goya (équivalents espagnols des César) du meilleur film et du meilleur réalisateur pour LES LUNDIS AU SOLEIL, avec Javier Bardem.

Dans A PERFECT DAY, sur le ton doux-amer, il a voulu rendre hommage à "ceux dont la mission délicate consiste à mettre de l’ordre dans le chaos. Il raconte leurs tentatives quotidiennes pour mener une guerre à l’intérieur d’une autre –une guerre contre l’irrationnel, contre le découragement, contre leur désir irrépressible de rentrer chez eux. Le film s’attache à la routine de ceux qui travaillent là où rien n’est routinier. Il évoque les forces et les faiblesses de ces travailleurs, leurs erreurs, leurs décisions, leurs petits malheurs. Sans jamais perdre de vue que l’héroïsme est lié à l’effort consenti plus qu’aux seuls actes".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Tu es différente de la dernière fois où on s'est vus" (Benicio del Toro à Olga Kurylenko, son ex qu'il revoit après un an et demi). "Oui, je suis habillée", lui répond-elle.

 

A PERFECT DAY (UN JOUR COMME UN AUTRE)

("A Perfect Day") (Espagne, 1h46)

Réalisation: Fernando León de Aranoa

Avec Benicio del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry

(Sortie le 16 mars 2016)