3 BILLBOARDS: LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE

Le #BalanceTonFlic de Frances McDormand

Frances McDormand et Woody Harrelson: la mère courage accuse le chef de la police d'inertie (©20th Century Fox).
Frances McDormand et Woody Harrelson: la mère courage accuse le chef de la police d'inertie (©20th Century Fox).

Frances McDormand part en guerre contre les policiers de sa petite ville du Missouri qui tardent à retrouver le violeur et le meurtrier de sa fille, dans le film 3 BILLBOARDS: LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE.

Le film a recueilli le 7 janvier quatre récompenses aux Golden Globes, avant-goût des Oscars qui seront décernés le 4 mars: meilleur film dramatique, meilleur scénario, meilleure actrice, meilleur second rôle masculin (Sam Rockwell).

A Ebbing, Missouri, dans le Midwest des États-Unis, sept mois se sont écoulés depuis le viol et le meurtre de la fille de Mildred Hayes (Frances McDormand), et l’enquête ne progresse toujours pas d’un pouce. Alors Mildred décide de louer trois panneaux publicitaires désaffectés depuis 1986 dans un champ à l'entrée de la ville, sur lesquels elle fait inscrire trois phrases en grosses lettres noires sur fond rouge: "Agonisante et violée", "Et toujours pas d'arrestation?", "Comment ça se fait, chef Willoughby?".

Le chef Willoughby est William Willoughby (Woody Harrelson), respectable et respecté chef de la police de la ville, plutôt un brave type puisqu'il n'approuve pas toujours certains comportements de ses subordonnés: "Si on virait tous les flics vaguement racistes, on se retrouverait avec trois flics qui détestent les pédés", dit-il mi-plaisantant, mi-sérieux.

Le chef Willoughby, qui a une jeune épouse et deux fillettes, a autre chose en tête que l'enquête sur la fille Hayes: il souffre d'un cancer du pancréas et sait ses jours comptés. Mais il tente de discuter avec Mildred, de lui expliquer que son initiative est déplacée, de la convaincre que la police fait son travail.

Mildred ne veut rien entendre. Vendeuse dans un magasin de souvenirs, elle vit seule avec son fils ado car son mari, ex-flic, l'a quittée pour une bimbo de 19 ans. On lui fait comprendre –et notamment le curé de la ville– que la majorité de ses concitoyens désapprouvent la guerre qu'elle a déclarée à la police locale. Mais elle ne lâche rien et, consciente qu'elle met à rude épreuve la cohésion de la ville, est prête à ce que la situation dégénère…

Dans ce rôle de mère brisée mais inflexible, dénuée de regrets et qui n'a plus de larmes à verser, Frances McDormand, 60 ans, trouve son rôle le plus fort depuis FARGO, de son mari et de son beau-frère Joel et Ethan Coen, qui lui valut l'Oscar de la meilleure actrice en 1997. Son personnage n'attire pas naturellement la sympathie, ce qui est un atout du scénario –et lui a donc valu le Golden Globe.

De la même façon Woody Harrelson, en chef de la police, n'est pas cantonné dans le rôle du méchant. "C’est l’histoire d’une guerre entre deux personnes qui, dans une certaine mesure, ont toutes les deux raison. C’est de là que naît toute la tension dramatique du film", explique le réalisateur, l'Irlandais Martin McDonagh, également metteur en scène et auteur de pièces de théâtre et dont c'est le troisième film après deux comédies policières avec Colin Farrell, l'une plutôt réussie (BONS BAISERS DE BRUGES en 2008), l'autre plutôt ratée (SEPT PSYCHOPATHES en 2012).

Le film oscille entre western moderne et film noir, entre comédie et drame, entre humour et enquête inachevée. Il y a quelques tonalités politiquement correctes (Amérique profonde, flics racistes, curé lâche, ados crétins, chaîne de télé superficielles, machisme latent, ex-mari atteint du démon de midi), un peu de suspense, des répliques drôles et un humour noir grinçant qui lorgne vers les frères Coen.

Il y a aussi un troisième personnage qui vole un peu la vedette au duo Mildred Hayes-William Willoughby: l'adjoint du chef de la police, un abruti infantile crypto-gay homophobe et raciste, interprété par un Sam Rockwell qui cabotine à chaque scène –il a remporté le Golden Globe du meilleur second rôle–, mais qui lui non plus n'est pas sans nuances, finalement, vers la fin du film.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Si on virait tous les flics vaguement racistes, on se retrouverait avec trois flics qui détestent les pédés" (Woody Harrelson).

 

3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE

("Three Billboards Outside Ebbing, Missouri") (États-Unis, 1h56)

Réalisation: Martin McDonagh

Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell

(Sortie le 17 janvier 2018)