UNDER THE SILVER LAKE

Du David Lynch low cost

Andrew Garfield se transforme en détective privé sous le soleil de Los Angeles (©Le Pacte).
Andrew Garfield se transforme en détective privé sous le soleil de Los Angeles (©Le Pacte).

Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes –mais revenu bredouille–, le film UNDER THE SILVER LAKE est un polar noir énigmatique sous le soleil de Los Angeles et dans ses nuits agitées.  

Sam (Andrew Garfield), 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité mais ne fait aucun effort pour y accéder. Il est en passe d'être expulsé de son appartement car il n'a plus payé son loyer depuis plusieurs mois et passe ses journées à manger des pizzas et à espionner ses voisines à la jumelle –surtout la quinquagénaire d'en face, baba cool toujours torse nu sur son balcon.

Un jour il remarque une nouvelle venue, jeune et jolie blonde qui a un petit chien blanc surnommé Coca-Cola et se baigne le soir dans la piscine de la copropriété. Il fait vite sa connaissance, et plus puisqu'affinités: elle s'appelle Sarah (Riley Keough) et habite au rez-de-chaussée de la cour intérieure, avec deux colocataires.

Mais peu de temps après, Sarah et ses deux copines déménagent en pleine nuit. Au matin, étonné, Sam décide d'enquêter sur ce départ mystérieux et précipité. Ce qui va le mener sur des chemins inconnus, alors que rôde dans les environs un tueur de chiens…

"UNDER THE SILVER LAKE est ma vision personnelle de l’histoire de Los Angeles –une histoire qui, selon moi, se prête à être contée au prisme du genre policier: piscines ensoleillées, ombres obscures, passages secrets, jeunes filles de bonnes familles, meurtres mystérieux… l’imagerie iconique d’une ville bâtie sur des rêves et des images animées", explique le jeune réalisateur David Robert Mitchell, 44 ans, dont c'est le troisième film après THE MYTH OF THE AMERICAN SLEEPOVER en 2010 et le remarqué IT FOLLOWS, film d'horreur au suspense angoissant en 2014.

Le film commence plutôt bien, une ambiance singulière s'installe, le suspense monte, le ton est alléchant: une Chevrolet noire, 2 losanges énigmatiques sur un mur, 3 filles en pédalo sur le lac, un groupe de rock nommé "Jésus et les épouses de Dracula", un milliardaire porté disparu, un putois, un coyote, un perroquet incompréhensible, le baiser de la chouette, une BD effrayante, une séance de cinéma en plein air dans un cimetière, une séance de masturbation devant un vieux numéro de Playboy, des fêtes sur le toit des immeubles avec piscine et ballons gonflables ou dans des caves à l'entrée secrète, un jeune homme qui espionne ses voisins avec un drone, des starlettes escort girls, un abri anti-aérien et des tunnels, un très vieux compositeur de musique…

Mais au bout d'une heure ça tourne en rond, et dans la seconde moitié le film part dans tous les sens (tout en tournant en rond), l'histoire devient complètement invraisemblable, vire au fantastique et au gore: c'est un peu n'importe, sur fond de messages subliminaux dans les disques vinyle passés à l'envers ou sur les boites de corn flakes, de théories du complot, de références cinématographiques et de réflexions fumeuses sur la vacuité de l'existence dans ce monde hyper-connecté.

"UNDER THE SILVER LAKE traite du sens caché que recèlent les choses qui nous sont chères –les films, la musique et les magazines qui façonnent notre culture. La «pop culture» est désormais la seule culture: un lac dans lequel nous baignons tous. Mais certaines choses se passent à notre insu, sous la surface de l’eau", explique doctement le réalisateur.

On se fiche pas mal de comment l'histoire va finir puisque ça peut finir n'importe comment, et si l'on attend la fin avec impatience c'est que le film est long, trop long (plus de deux heures et quart). On en sort avec l'impression d'avoir vu du David Lynch low cost. Dommage car il y a de beaux moments, au fil du film, et un Andrew Garfield plutôt convaincant, dans un rôle fantasque et énigmatique qui enrichit sa filmographie, éclectique depuis quelques années: deux SPIDER-MAN en 2012 et 2014 avant deux rôles forts en 2016 dans TU NE TUERAS POINT de Mel Gibson et SILENCE de Martin Scorsese.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Les tarées sont de super coups" (le participant à une fête).

 

UNDER THE SILVER LAKE

(États-Unis, 2h19)

Réalisation: David Robert Mitchell

Avec Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace

(Sortie le 8 août 2018)