BORGO

Polar carcéral corse

Dans la prison de Borgo, Melissa (Hafsia Herzi) sait se faire respecter des détenus (©Petit Film/France-3 Cinéma).
Dans la prison de Borgo, Melissa (Hafsia Herzi) sait se faire respecter des détenus (©Petit Film/France-3 Cinéma).

Le film porte le nom d'une prison près de Bastia et est inspiré de faits réels qui s'y sont déroulés: BORGO, sur les écrans ce mercredi 17 avril, est un polar réaliste et habilement tourné qui raconte le dilemme d'une jeune surveillante pénitentiaire confrontée aux règlements de comptes entre truands corses.

Après Fleury-Mérogis, Melissa (Hafsia Herzi), 32 ans, gardienne de prison expérimentée, est mutée en Corse où elle s'installe avec son mari Djibril et leur deux jeunes enfants. Elle intègre l'équipe de surveillants de l'Unité-2 du centre pénitentiaire de Borgo.

Ce quartier de la prison est particulier: les cellules sont ouvertes, les détenus sont tous corses, tous des hommes blancs, ils gèrent eux-mêmes leur vie quotidienne (repas, ménage, vaisselle): c'est un peu le Club Med où, comme le dit la presse, "ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens".

Souplesse et fermeté

Melissa s'adapte à ces conditions de travail un peu spéciales mais ne transige pas sur les consignes de base et sait se faire respecter, avec souplesse et fermeté. Son intégration est facilitée par Saveriu Pietri (Louis Memmi), un jeune détenu qui la place sous sa protection et jouit d'une grosse influence, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la prison.

Une fois sorti, le jeune homme va profiter de sa relation avec Melissa pour lui demander de lui rendre un petit service. La jeune gardienne de prison s'engage dans un engrenage dangereux…

Tiré de faits réels

Le film est, précise un panneau avant le début de l'histoire, "tiré de faits réels relatés dans la presse" en 2017 et basé donc sur un personnage réel (à lire ici ou pas: attention spoiler pour la fin du film).

Mais "j’ai souhaité m’inspirer des faits réels tout en prenant le parti de créer des personnages de fiction à 100%, en laissant de côté le point de vue des criminels et concentrant mon récit sur le destin d’une surveillante pénitentiaire", explique le réalisateur, Stéphane Demoustier, 46 ans, dont c'est le troisième film après TERRE BATTUE (2014) et LA FILLE AU BRACELET (2019, dans lequel jouait sa petite sœur Anaïs Demoustier).

Personnage fictif

"Tout mon travail lors de l’écriture puis au tournage", ajoute-t-il, "a consisté à prendre mes distances par rapport au fait divers tout en me rapprochant d’un personnage fictif tel que je me le représente, personnage en prise directe avec cette question qui traverse le film: comment peut-on en quelques mois seulement passer d’un quotidien ordinaire à celui d’une criminelle? BORGO essaie de sonder ce basculement, ou plutôt ce glissement".

Il a su raconter cette histoire avec un découpage de son film très habile, qui met en parallèle l'évolution de la gardienne de prison et une enquête sur le double assassinat de deux truands à l'aéroport de Bastia. Cette enquête, menée par un commissaire et son adjoint (Michel Fau et Pablo Pauly), va progresser pas à pas.

Remarquablement construit

Le tout donne un film à suspense, passionnant, remarquablement construit, dans lequel le réalisateur présente les détenus de l'Unité-2 sous un jour sympathique mais n'est pas particulièrement tendre avec d'autres Corses, notamment les voisins de Melissa et Djibril (Moussa Mansaly): celui-ci est victime de racisme à leur arrivée en Corse, on accroche des bananes à la poignée de leur porte –un sens de l'hospitalité pas vraiment admirable.

"J’avais depuis longtemps envie de faire un film sur la Corse. C’est un endroit qui

me fascine autant qu’il m’échappe", dit Stéphane Demoustier. Dans l'adaptation de ce fait divers, il n'est pas complaisant avec les clans du grand banditisme en Corse, avec les particularismes sociaux et les jeux de pouvoirs de l'île.

Pour cela il s'est d'abord attaché à son personnage principal (interprété avec assurance par Hafsia Herzi) plutôt qu'à ses collègues, aux détenus ou aux malfrats: "Je voulais donc filmer la Corse, mais telle que Melissa la perçoit. Pas celle des cartes postales, mais la Corse de celles et ceux qui y vivent ou qui s’y rendent pour y vivre".

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Nous, on n'oublie personne, et personne ne nous oublie" (un détenu, à Mélissa).

 

Borgo

(France, 1h57)

Réalisation: Stéphane Demoustier

Avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Louis Memmi

(Sortie le 17 avril 2024)


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