IDA

Le voyage initiatique d'une jeune religieuse

Un beau film contemplatif en noir-et-blanc: une rareté (©Memento Films Distribution)
Un beau film contemplatif en noir-et-blanc: une rareté (©Memento Films Distribution)

Pour son premier film tourné dans son pays natal, Pawel Pawlikowski a voulu raconter une histoire dans laquelle il s'inspire partiellement de ses souvenirs d'enfance.
Tourné dans un superbe noir et blanc, IDA nous ramène en 1962, en Pologne, et nous fait suivre l'itinéraire d'une jeune nonne qui, avant de prononcer ses voeux, part à la recherche d'un passé dont elle ne sait rien.
Orpheline, Anna (Agata Trzebuchowska) a toujours vécu dans un couvent. Elle a pourtant une tante, Wanda (Agata Kulesza), qu'elle n'a jamais rencontrée et qui ne lui ressemble guère: alcoolique, fumant cigarette sur cigarette, multipliant les amants...
Pour tenter de percer le secret de la disparition de ses parents pendant l'occupation nazie, Anna se rend en ville, à Lodz, chez Wanda. Celle-ci lui révèle ses origines juives et accepte de l'aider dans ses recherches, en l'accompagnant en voiture dans un village où elles pourraient en savoir plus...
Né à Varsovie en 1957, Pawel Pawlikowski a vécu jusqu'à 14 ans en Pologne. Il a ensuite habité en Italie, en Allemagne, et surtout en Angleterre où il a réalisé en 2004 MY SUMMER OF LOVE, avec Emily Blunt.
En 2011, il a séjourné quelque temps en France pour tourner LA FEMME DU Vème, avec Kristin Scott Thomas et Ethan Hawke. Puis, il y a un an, il a décidé de revenir vivre à Varsovie. L'occasion pour lui de retrouver ses racines en tournant IDA, un film dans lequel la musique tient une place importante, celle qu'il entendait dans son pays quand il était enfant.
"C'est une fiction, mais les idées viennent de quelque part", a confié Pawel Pawlikowski lors d'un entretien accordé à l'hôtel Lutetia, à Paris, quelques jours avant la sortie de son film en France. "J'ai choisi le noir et blanc pour faire quelque chose d'un peu atemporel, assez méditatif, pas une réplique de la réalité", précise-t-il dans un français quasiment parfait.
Sans doute un peu nostalgique de son enfance, le réalisateur trouve que la Pologne des années 60 était "plus rock'n'roll, plus drôle" que celle d'aujourd'hui. "On disait que la Pologne était la baraque la plus drôle dans le camp communiste". 
Le cinéaste a fait appel à une actrice professionnelle pour jouer le rôle de la tante, Wanda. Mais Anna est interprétée par une comédienne novice de 19 ans, repérée dans un café de Varsovie, qui n'a d'ailleurs a priori par l'intention de faire carrière dans le septième art. "Elle étudie la philosophie et l'histoire de l'art", note Pawel Pawlikowski. Les deux femmes livrent une interprétation très convaincante, tout en sobriété.
La lumière, la photo et la musique contribuent aussi à la réussite d'IDA, déjà couronné par plusieurs prix. Ce très beau film, contemplatif, a été bien accueilli en Pologne où il est déjà sorti, et il a été acheté par 32 pays. "C'est encourageant pour un petit film polonais, car il n'y a pas de mode pour le cinéma polonais", affirme le réalisateur, qui se dit "surpris" par ce succès. "J'essaye de faire quelque chose d'universel, qui ne s'enlise pas dans la rhétorique", explique-t-il.
Dans son film, Pawel Pawlikowski évoque en filigrane le communisme, la religion, les drames qui ont secoué la Pologne, mais il s'intéresse surtout à ses personnages. Avec Wanda, qui semble avoir du mal à assumer son passé, et la belle Anna, qui découvre notamment sa féminité lors de ce voyage initiatique, par le biais d'une rencontre avec un jeune musicien de jazz.
Pierre-Yves Roger

LA PHRASE
"Tu ne sais pas l'effet que tu provoques, si?" (un musicien de jazz très attiré par la jeune religieuse).

IDA
(Pologne, 1h19)
Réalisation: Pawel Pawlikowski
Avec Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska, Dawid Ogrodnik
(Sortie le 12 février 2014)