La plupart des jolies femmes ne veulent pas qu'on les aime seulement pour leur physique. Il faut qu'on apprécie leur esprit, leur intelligence, leur éducation, leur personnalité, leur sens de l'humour, etc.
Mais leur voix?
Dans HER, Scarlett Johansson ne joue pas de son physique. On n'entend que sa voix. Qui est pleine d'esprit, d'intelligence, d'éducation, de personnalité, de sens de l'humour. Et terriblement sexy...
Le réalisateur Spike Jonze aurait pu choisir une voix anonyme, ou celle d'une actrice vieille, moche, désagréable (on en connaît). Le clin d'oeil ultime a été de choisir celle de Scarlett Johansson –le film est à voir en V.O., of course– pour donner un nouveau sens au mot ''platonique''.
Theodore Twombly (Joaquin Phoenix) travaille dans une entreprise qui fabrique de fausses lettres manuscrites, que des clients payent pour envoyer à leurs proches. C'est lui qui invente les textes, se mettant dans la peau d'un amoureux, d'une amie, d'une mère, d'un fils.
On est à Los Angeles, dans un avenir pas si éloigné. Chez lui, Theodore joue à des jeux videos avec commandes vocales et images holographiques dans son salon. Parfois il a recours à une version moderne du téléphone rose: voix sexy et orgasme au bout du fil.
Il vit seul, déprimé, asocial: il ne s'est pas remis d'une douloureuse rupture amoureuse, avec sa femme qu'il avait connue quand ils étaient enfants.
Un jour, il franchit une étape importante dans sa lutte contre la solitude. Il fait l'acquisition d'un programme informatique capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ''Samantha'', une voix féminine intelligente, intuitive et drôle.
Samantha a accès à tous les recoins de son ordinateur et, très vite, sait tout de Theodore. Via l'oreillette qu'il porte presque en permanence, elle lui passe de la musique, lui lit ses mails, lui rappelle ses rendez-vous, le réveille, et surtout discute avec lui.
Elle-même est un programme qui apprend en permanence à connaître les réactions humaines, qui se dote peu à peu de ''sentiments'', dont l'intelligence artificielle se développe sans limite.
Les besoins et les désirs de l'un comme de l'autre évoluent. ''Je voudrais te prendre dans mes bras. Je voudrais te toucher'', lui dit-il, en vain. ''Comment on partage sa vie avec quelqu'un?'', lui demande-t-elle, sans espoir. Peu à peu, ils tombent amoureux l'un de l'autre...
Scénario invraisemblable? Pas tant que cela. Quand Joaquin Phoenix dit à Samantha-la-voix: ''Ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi bien avec quelqu'un'', on se dit que la solitude de cet homme est immense. Mais peut-être des millions d'êtres humains, aujourd'hui en 2014, se disent-ils la même chose à propos d'un ami Facebook ou d'un follower Tweeter qu'ils ne rencontreront jamais?...
Joaquin Phoenix, fragile et mystérieux, banal et singulier à la fois, est parfait dans ce rôle imaginé par Spike Jonze, le réalisateur du très original DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH en 1999, qui vient de recevoir l'Oscar du meilleur scénario pour HER.
De fait, c'est de la science-fiction mais l'histoire offre au spectateur de nombreuses pistes de réflexion sur la société actuelle et celle d'un avenir très proche, qui s'installe chaque jour: la dématérialisation de l'amour physique, le langage comme seul élément de sexualité, les relations entre l'homme et la machine, la fragilité des rapports humains et amoureux dans un monde où les relations électroniques remplacent les contacts physiques, des entreprises que l'on paye pour envoyer des lettres d'amour à sa place, l'ultramoderne solitude...
Dans le film, Joaquin Phoenix n'est pas le seul à entretenir une relation amicale/ sentimentale/ amoureuse avec son OS (le système d'exploitation de son ordinateur), cela devient une mode. Une de ses seules amies (dans la vraie vie), une voisine interprétée par Amy Adams, se laisse aussi prendre au jeu.
''Il faut être tordu pour aimer'', fait-elle remarquer, désabusée par les relations entre être humains. HER est un joli film, intelligent et sensible, souvent drôle, mais dont l'optimisme n'est pas la principale qualité.
Jean-Michel Comte

LA PHRASE
''Quoi, tu sors avec ton ordinateur?'' (l'ex-femme de Joaquin Phoenix, quand il lui avoue qu'il a quelqu'un d'autre dans sa vie).

HER
(États-Unis, 2h06)
Réalisation: Spike Jonze
Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams
(Sortie le 19 mars 2014)