LE PHOTOGRAPHE

Comédie sentimentale à l'indienne

Miloni l'étudiante (Sanya Malhotra, à gauche) accepte de se faire passer pour la petite amie de Rafi le photographe (Nawazuddin Siddiqui) (©Le Pacte).
Miloni l'étudiante (Sanya Malhotra, à gauche) accepte de se faire passer pour la petite amie de Rafi le photographe (Nawazuddin Siddiqui) (©Le Pacte).

Dans le cinéma indien, il n'y a pas que Bollywood. Ainsi une jolie comédie sentimentale –dans laquelle on ne chante pas et on ne danse pas pendant trois heures sur une histoire à l'eau de rose– sort ce mercredi 22 janvier sur les écrans français: LE PHOTOGRAPHE.

Sur certaines affiches, le synopsis est drôle et tient en deux phrases: "Sa grand-mère vient rencontrer sa fiancée… Il a trois jours pour la trouver!". Le film raconte en effet l'histoire de Rafi, villageois pauvre venu vivre à Bombay et devenu photographe pour touristes afin de gagner sa vie et de rembourser la dette de son père pour racheter la maison familiale dans son village natal.

Il est gentil et doux, plus tout jeune, pas très souriant, sans charme particulier. Ses copains (avec qui il partage une chambre-dortoir) et sa grand-mère lui mettent la pression: malgré ses modestes revenus, il faut qu'il se marie, qu'il fonde une famille. Alors il fait croire à sa grand-mère qu'il a trouvé une petite amie. Mais la grand-mère débarque à Bombay, il doit donc lui présenter cette mystérieuse fiancée.

Ce sera Miloni, une jeune et jolie étudiante d'une famille bourgeoise, qu'il a croisée en faisant une photo d'elle devant un monument. Elle accepte de jouer le jeu, et entre le quadragénaire discret et modeste et la jeune fille timide et aisée va se tisser une amitié inattendue…

C'est le quatrième long-métrage du réalisateur Ritesh Batra, qui s'était fait connaître en 2013 avec THE LUNCHBOX, histoire de la rencontre improbable entre une jeune femme délaissée par son mari et un homme solitaire et vieillissant qu'une erreur de livraison d'un coffret-repas mettait en contact. Ici, dans Le Photographe, il s'agit à nouveau de deux personnages qui n'étaient pas destinés à se rencontrer mais dont la vie va changer: "certaines personnes vous stimulent à devenir autre chose que ce que vous pensiez être. C’est l’effet qu’ils ont l’un sur l’autre", dit le réalisateur.

Le film n'est pas seulement une histoire sentimentale, c'est aussi une chronique sociale car les deux personnages principaux sont issus de deux milieux différents: lui est villageois et plutôt pauvre, elle est urbaine et membre d'une famille riche. Tous deux ont en commun de faire passer les intérêts de leur famille avant de penser à leur propre destin.

Leur rencontre va changer leur manière de voir les choses: Miloni éveille chez Rafi une curiosité, elle l’incite à prendre du temps pour lui et à se réaliser en dehors de sa famille. Rafi, lui, donne à Miloni l’opportunité d’élargir son monde et de se créer un nouveau personnage, quand ils sont en compagnie de sa grand-mère.

On s'ennuie parfois un peu dans cette atmosphère douce-amère, dans cette histoire sans rebondissement, dans ce film qui hésite constamment entre comédie sentimentale et chronique sociale. Mais c'est plutôt bien vu, délicat, et Ritesh Batra montre comment la société indienne évolue peu à peu. "Dans ma jeunesse, et probablement pendant des siècles avant ça, les gens plaçaient la famille au-dessus de tout. Récemment, ils ont commencé à se penser comme des individus plutôt que comme membres d’une famille. C’est devenu l’un des principaux conflits de la vie indienne d’aujourd’hui", explique le réalisateur, qui a voulu autant décrire cette évolution de la société que raconter une jolie romance, sans outrances ni facilités, tranquille et réaliste, loin des ritournelles et mélodrames clinquants de Bollywood.

Jean-Michel Comte

 

LA PHRASE

"Ses yeux sont emplis autant de questions que de réponses" (Rafi, à propos de Miloni).

 

LE PHOTOGRAPHE

("Photograph") (Inde, 1h49)

Réalisation: Ritesh Batra

Avec Nawazuddin Siddiqui, Sanya Malhotra, Farrukh Jaffar

(Sortie le 22 janvier 2020)